2012 de Roland Emmerich (2009)

2012

Trois ans avant, on nous rabâche déjà les oreilles, l’imminence d’une catastrophe globale qui chamboulerait radicalement le monde tel qu’on le connait aujourd’hui est pour 2012. Roland Emmerich, qui favorise par son film cette frénésie actuelle, prend au mot les obsessions fatalistes de ceux qui interprètent calendrier maya et autres prédictions obscures comme l’annonce de notre perte. La crainte, ou plutôt le mythe, de la fin du monde est presque aussi vieux que l’est l’humanité elle-même. Nos plus vieux ancêtres avaient peur que le ciel leur tombe sur la tête et encore récemment, nombreux auront été ceux qui auront imaginés un trouble majeur avec le passage à l’an 2000. Le but de ces sornettes n’est autre que d’alimenter les fantasmes. Imaginer le pire est la plupart du temps un bel exutoire. C’est cette notion là qui nourrit d’une manière générale tout récit apocalyptique, tout scénario catastrophe.

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Roland Emmerich s’est fait le grand spécialiste moderne des fantasmes illuminés de la génération 90 et il continue de creuser son sillon depuis, sans aucune parenthèse. On est tous parfaitement conscients du genre de marchandises qu’il nous fourgue, on sait ce qu’on va voir quand on demande à la jolie guichetière de nous projeter 3 ans plus loin, en plein cauchemar d’un monde qui se liquéfie littéralement.

Le scénario fonctionne très exactement comme celui du Jour d’Après, avec un scientifique alarmé qui prend conscience d’un basculement invraisemblable que le gouvernement américain ne peut prendre – dans un premier temps – au sérieux tant la menace paraît extravagante. Ce qui est dit qui doit arriver arrive, il n’y a plus qu’à suivre un groupe de courageux aux culs bordés de nouilles pour nous ouvrir la voie et nous indiquer le chemin à emprunter pour espérer survivre.

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Encore un coup de Ben Laden ?


2012 combine en 2h30 à peu près tous les films catastrophes imaginés depuis La Tour Infernale (1974). On aura le droit à tremblements de terre (Tremblement de terre, 1974), irruption volcanique (Le Pic de Dante, Volcano, 1997), bateau submersible (Das Boot (1981), Titanic, 1997), soleil qui chauffe un peu trop (Prédictions, 2009) etc. Certaines images évoquent aussi La Guerre des mondes de Spielberg et le personnage joué par James Cusack connaît également des problèmes familiaux identiques à ceux subit par Tom Cruise dans le même film. Bref, 2012 condense pas mal de choses déjà vues. Ce qui est sensé être impressionnant, c’est d’assister à un processus de destruction intégral, un flot d’images cataclysmiques ininterrompu pour toute la durée du métrage. Emmerich a beau avoir l’argent et les moyens techniques de ses ambitions on en est quand même pas là.

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Le naufrage d’un porte-avion ? Non ! La Californie engloutie !

Le problème de 2012, c’est qu’il n’est pas seulement la quintessence du cinéma catastrophe hollywoodien des 30-40 dernières années, il représente aussi une tendance affreuse du cinéma d’action américain actuel. On a déjà illustré ce phénomène dans ses pages en évoquant Die Hard 4, effectivement emblématique lui aussi de cette tendance dans certaines productions à tout miser sur le spectacle quitte à s’affranchir, pour ne pas dire snober, de ce qui constitue quand même le ciment de ce genre de films, ce sentiment que les personnages sont à notre échelle, qu’ils sont humains, faillibles, mortels etc. Dans Die Hard 4, John McLane est simplement indestructible, les scènes d’actions sont extravagantes au ridicule, avec une logique de la surenchère qui finit par susciter l’écoeurement.

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2012 suis exactement ce modèle là. John Cusack a beau être présenté comme un humble père de famille tout à fait ordinaire, les évènements vont faire de lui un surhomme bénit des Dieux. A partir du moment ou il pilote sa voiture et échappe au moindre piège, on a deviné que rien, jamais, pendant les 2h qui reste, ne compromettra l’intégrité de ce personnage et de sa famille. Tout est cousu de fil blanc. Le nouveau mec de son ex-épouse, un chirurgien un peu pataud, se révèle un pilote d’avion hors paire, mais on ne se fait pas d’illusion sur son cas. Une fois sa part du travail accomplit, il est évident qu’il laissera sa place au père des enfants pour une reconstitution du couple originel. D’une manière général, 2012 accumule les scènes mièvres. On assiste à un déluge de bons sentiments, jusqu’à cette scène inévitable ou la greluche blonde sauve à tout prix sont petit toutou. Ah ben oui mais on assiste à un spectacle familial oui ou non ?

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Les personnages sont en plus tous affreusement stéréotypés. Ce qui frappe c’est la représentation géopolitique du monde qu’Emmerich dessine en creux. Certes, ce n’est pas là l’intérêt du film, mais ce qu’on constate a une portée symbolique forte. Emmerich continue de raconter une humanité bi-polaire, avec un drôle de renversement des rôles de ceux qui se trouvaient de part et d’autre du Mur de Berlin il y a vingt ans. Là, John Cusack incarne une Amérique forte, courageuse, volontaire, mais qui souffre d’innombrables difficultés. Pour ce personnage l’intérêt collectif prime. Face à lui, son patron, un riche russe – forcément russe – mégalomaniaque et profondément égoïste. Le théâtre de leur confrontation morale se situe en Chine. On peut y voir là aussi un symbole fort. La Chine, puissance émergente qui concurrence chaque jour davantage l’influence de l’omnipotente Amérique, devient la place d’où un monde nouveau va éclore de ce gigantesque cataclysme. Le reste du monde n’existe pour ainsi dire quasiment pas. 2012 demeurant un film typiquement américain le triomphe de la morale bien-pensante ne risquera pas d’être remis en cause. Emmerich se laisse aller en prime à quelques grossièretés supplémentaires d’une hypocrisie sans nom, comme redessiner le monde et affirmer que désormais, l’Afrique le domine (géographiquement parlant certes, mais quand même). La révolte et la revanche des pauvres dans 2012, elle est assez pathétique. Le bras d’honneur adressé au méchant milliardaire russe est emblématique de la bassesse de la démonstration même si l’effet comique est sans doute universel.

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On retrouve aussi dans 2012, quelques principes éculés du cinéma d’Emmerich avec notamment, encore, des relents conspirationnistes. On a beau ne pas attendre d’Emmerich autre chose, et qu’il nous en mette généreusement plein la vue, la mayonnaise ne prend pas. Le spectacle est là, pour deux ou trois scènes d’envergure seulement, mais ne masque pas la bêtise de l’ensemble, les blagues de mauvais goût (les fesses de Woody Harrelson par exemple) ou simplement pas drôles, les excès de sensiblerie, le passage en revue de tous les poncifs du genre, et ce personnage improbable joué par John Cusack qui se prend pour le Bruce Willis d’Armageddon (1998), sans aller heureusement jusqu’au sacrifice ultime. Emmerich nous épargne toutefois deux choses dans lesquels il aurait pu se vautrer aussi. Il n’agite pas spécialement la corde du patriotisme américain et il se détourne habilement de cette hypothèse ridicule que l’on soupçonne longtemps d’un déménagement de quelques élus vers une planète moins perturbée (c’est à dire peu ou prou le final de Prédictions, le nanar SF d’Alex Proyas sorti également dans l’année).

2012

2012, spectacle décérébré et crétin, qui l’eut crut ? La scène emblématique arrive dans le premier quart du film : une scène de ménage, « Chérie, qu’est-ce qui nous sépare ? » et immédiatement une faille qui les coupe littéralement l’un de l’autre. L’infinie subtilité de Roland Emmerich est là parfaitement résumée. Le fait qu’il préfère renvoyer l’image d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, est-ce que ca défoule ? Un  peu, mais pas tant que ça. C’est pourtant la seule chose que l’on espérait vraiment de ce film. Alors on est déçu, et d’autant plus que ce spectacle décérébré et crétin est en définitive assez navrant. La démonstration pyrotechnique ne suffit pas. Pensez donc, Vidocq (2000) aurait été considéré comme un chef d’oeuvre en son temps sinon !

Benoît Thevenin

2012 *1/2

Sortie française le 11 novembre 2009

Lire aussi :

  1. Anonymous de Roland Emmerich (2011)
  2. Le Jour d’après (The Day After Tomorrow) de Roland Emmerich (2004)
  3. 10 000 (10 00 B.C) de Roland Emmerich (2008)
  4. La Fin du silence de Roland Edzard (2011)
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Aucun commentaire sur “2012 de Roland Emmerich (2009)”

  1. Ce n’est pas une surprise pour moi
    Mais tu expliques de façon très convaincante ce nauffrage

  2. Foxart dit :

    M’en fous, j’lis même pas ta critique, et j’irais le voir, je suis sur d’adorer ça !!!

  3. Axel dit :

    Et je confirme les 600 000 entrées France pour le 1e jour… Moi aussi je vais le voir ! Et pas plus tard que ce soir, à la dernière séance ! J’ai survécu à Transformers 2, mais vais-je survivre à l’apocalypse annoncée pour 2012 ?

    Ps : Et vivement la critique de Twilight 2, lol !

  4. Benoît Thevenin dit :

    600 000 ? Eh ben !

    La fin du monde un Vendredi 13, désolé je ne suis pas sûr que tu survives… :)

    Twilight 2 ! Bon si je vais vraiment le voir, c’est pour la chanson inédite de BRMC hein ! Putain personne ne va me croire si je dit ça !

  5. Axel dit :

    Oui, j’ai vu 2012 et… C’était une parodie, non ? John Cusack qui fait du John Cusack dans le rôle de Shelley Winters (L’Aventure du Poseidon), le petit chien sauvé (Daylight), les blagues vaseuses alors qu’ils vont tous mourir, un gouverneur de Californie au fort accent teuton… C’était Over ze Top, comme dit notre ami Sly.
    Fallait-il y voir du cynisme, quand on voit que finalement, les gens qui seront sauvés en majorité sont les riches, que l’Afrique sera à nouveau colonisée (d’autres diront que c’est le retour sur la terre des premiers hommes de l’humanité), des « vaisseaux spatiaux » construits pour pas cher par de la main d’œuvre asiatique ?
    En résumé, ce film m’a fait rire.

  6. Benoît Thevenin dit :

    Tu as vu le même film que moi, voilà qui me rassure, ouf :).

  7. sabine dit :

    oui… mais non !
    C’est du cinéma popcorn, j’ai donc mangé mon popcorn, j’ai bien rigolé et je ne me suis pas ennuyée une seconde. C’est exactement ce que je demande à ce genre de film et je pense qu’Emmerich est un grand comique 😉

  8. MaGaLi dit :

    en fait c’est un film cata ?

  9. Anonyme dit :

    C’est vrai que quand tu vas voir ce genre de film il faut pas s’attendre à quelque chose de très orginal en ce qui concerne l’histoire. Je suis sûr que dans ce genre de film les acteurs ne peuvent exercer leur réel talent vu que tout est fait en image de synthèse et c’est vrai que chaque personnage reflète un autre que nous avons déjà vu dans un autre film, la fille Amanda Peet je la trouve trop chiante, c’est elle qui s’occupe des enfants, qui se prend en pitié et qui fait attendre l’avion pour que l’on puisse assister à une scène pleine de prouesse de la part de John Cusack. Amanda Peet je l’aparente à la copine de will smith dans independance day ou dans la fille du jour d’après qui est malade, john cusack est un mélange entre tom cruise, comme tu le disais, et will smith ainsi que jake gyllenhal dans le jour d’après. Je suis tout a fait d’accord quant a la bipolarisation effrené des américains quand il s’agit d’un film catastrophe: l’amérique est bien sur le centre du monde, celle qui pense bien et qui met en place les elements les plus évolué afin de parer la catastrophe pendant ce temps il y a l’est represente ici par la chine et la russie et l’europe et le reste du monde n’éxiste absolument pas, il y a un espèce d’egocentrisme permanent que j’exècre particulièrement chez les américains, les maitres du monde, les sauveurs de l’humanité. En realité ce genre de film n’est qu’un prétexte pour montrer encore et toujours la superiorité américaine et leur bienveillance egoiste. Nous sommes en 2010 désormais depuis quelques heures seulement et même si d’un point de vue du divertissement ce film gagne a tout les point de vue il me semble que ce genre se démode avec le temps et est totalement hors contexte, c’est XXème siècle, très année 90 en somme.
    Je suis allée le voir et je me suis prise au jeux, c’est divertissant mais sans plus. Merci pour tes supers critiques cinématographique; elles sont super
    (excuse pour l’expression si elle est incorrecte, j’ai ecrit vite et sans reellement y faire attention)
    bye, bonne année et bonne continuation, il est exactement 3h17 et malgré le nouvel an je ne peux pas dormir donc j’en profite pour lire tes critiques xd
    bisous

  10. Benoît Thevenin dit :

    Merci beaucoup pour ton message :). Je te rejoins bien sûr par rapport à ce que tu dis sur le film 😉

    Merci de me consacrer les premières de cette nouvelle année ! Je te souhaite une excellente année et tous mes meilleurs voeux.

    A bientôt
    Benoît

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