Les Amants de Louis Malle (1958)

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Jeanne est l’épouse d’un patron de presse en province. Parce qu’elle s’ennuie, pour retrouver une vieille amie mais aussi son amant, elle effectue de constants aller-retour entre Dijon et Paris. Son mari soupçonne son adultère et, pour tenter de la prendre au piège, invite ses amis parisiens pour un week-end dans leur maison. De retour sur Dijon en voiture, Jeanne tombe en panne. Un jeune homme lui vient en aide, qui représente tout ce qu’elle n’est pas…

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Louis Malle réalise là son second long-métrage de fiction, un an après Ascenseur pour l’échafaud, et toujours avec Jeanne Moreau. L’actrice incarne une Emma Bovary des temps modernes, perpétuellement insatisfaite et constamment en fuite vers un ailleurs illusoire (jusque dans le dernier plan du film). Elle décrit Paris comme un Paradis dont elle a grande peine à s’arracher à chaque fois qu’elle doit retourner à sa province. Paris la séduit, parce qu’elle abrite ses amis et son amant, parce que la densité de population la rassure, parce qu’elle attirée par la mode etc. Avec Les Amants, Louis Malle fustige clairement les us et coutumes de la bourgeoisie, arrive à illustrer le fossé et les faux-semblants qui séparent les nantis de provinces à ceux de Paris, et oppose à tout ce petit monde, le personnage libre, fauché, respectueux de la terre et des Hommes, incarné par Jean-Marc Bory.

Les Amants

Les Amants, adaptation d’un roman du Baron Dominique Vivant Denon, auteur libertin du XVIIIe siècle, aura fait scandale à sa sortie, notamment aux Etats-Unis ou il fut taxé de pornographie. Dans le derniers tiers du film, Louis Malle délaisse la critique sociale de ce milieu bourgeois et accompagne Jeanne dans son abandon sentimental et charnel. Les longues séquences de passion amoureuse nous envoûte littéralement et confère au film un charme inaltérable et magique. La polémique que suscita Les Amants nous parait aujourd’hui parfaitement invraisemblable. Le film est bien plus pudique qu’Et Dieu créa la femme de Vadim, sorti deux ans auparavant, mais à la sublime sensualité des séquences amoureuses, Louis Malle conjugue l’attitude légère d’une femme libre qui fait ce qu’elle veut de son corps.

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Voila qui ne peut qu’être extrêmement audacieux si l’on se replace dans le contexte de la fin des années 50, quand les principaux combats féministes n’étaient pas encore menés. C’est ce qui explique le scandale que Les Amants aura provoqué un peu partout, notamment à Venise aussi il aura reçu le Prix Spécial du Jury en 1958. C’est aussi ce qui témoigne de la modernité du film et de l’ambition cinématographique de Louis Malle aussi. Les Amants précède d’une année Hiroshima, mon amour d’Alain Resnais, et l’on peut sans doute dire qu’il le préfigurait déjà. Son film tranche en tout cas avec le cinéma paternaliste français des Delannoy et Autant-Lara, et trouve une place logique auprès des auteurs de la Nouvelle Vague.

Benoît Thevenin


Les Amants – Note pour ce film :
Réalisé par Louis Malle
Avec Jeanne Moreau, Jean-Marc Bory, Alain Cuny, Judith Magre, José Luis de Vilallonga, Gaston Modot, …
Année de production : 1958

Sortie française le 5 novembre 1958


Lire aussi :

  1. Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle (1957)
  2. Jules et Jim de François Truffaut (1962)
  3. Jeanne Captive de Philippe Ramos (2011)
  4. Running among the clouds (Davidan dar mian abr-ha) de Amin Farajpoor
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