Le Colosse de Rhodes (Il colosso di Rodi) de Sergio Leone (1961)

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Avant de devenir le père du western spaghetti, Sergio Leone consacre son énergie et son talent au péplum, genre à la mode en Italie et un peu partout ailleurs. Leone est assistant sur certains films américains, comme Quo Vadis de Mervyn LeRoy, ou Ben-Hur, et est embauché comme scénariste pour Les Derniers jours de Pompeï. Mario Bonnard, le réalisateur désigné des Derniers Jours, tombe malade et c’est finalement Leone qui tourne le film intégralement, sans que Bonnard ne pose un pied sur le plateau. Les Derniers jours de Pompeï rencontre un grand succès et le producteur est pleinement conscient de ce qu’il doit à Leone. Il lui propose alors de mettre en scène une énorme production, évoque Le Colosse de Rhodes sans avoir la moindre idée de ce dont il parle, et déchante vite quand Leone lui fait comprendre que le colosse en question n’est pas un fameux culturiste mais une statue. Le cinéaste se montre rassurant et se voit attribuée carte blanche pour réaliser le film de la manière dont il le souhaite.

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Pour Leone, il n’est pas question de mettre en scène juste un péplum de plus. Les spectateurs sont rassasiés de ce type de films et Leone ne manifeste pas un amour fou pour le genre. Mais il a carte blanche…. c’est à dire les mains libres pour faire un film qui respecterait le cahier des charges mais dans lequel il ne se génerait pas pour tordre certains codes.

Leone convoque la même équipe de scénaristes que pour Les Derniers Jours de Pompéi, avec l’idée de conserver une structure narrative semblable. A première vue, Le Colosse de Rhodes ne dépareille pas vraiment du lot habituel de péplums. Complots, jeux du cirques, romance, grande catastrophe, tous les éléments traditionnels du genre se retrouve ici. Leone est assez malin pour pervertir tout cela.

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Dario, le héros du film est incarné par l’acteur américain Rory Calhoun, que Leone décrit comme un Cary Grant du pauvre, ce qui n’est pas innocent car le film est construit aussi avec comme référence principale celle de La Mort aux Trousses. Dans le film d’Hitchcock, le héros joué par Cary Grant se retrouve malgré lui impliqué dans un complot et en plein milieu d’une lutte entre police et espions. Dans Le Colosse, Dario n’est présent sur l’île de Rhodes qu’à titre de séjour mais est bientôt au milieu d’une guerre entre résistants grecs et envahisseurs Phéniciens. Le parcours des deux personnages est assez sembable mais c’est surtout la conclusion qui relie les deux films, la bataille sur le colosse rappelant immanquablement la séquence du Mont Rushmore dans La Mort aux trousses. Du reste, Sergio Leone a commandé la maquette de la statue en faisant explicitement référence aux figures des présidents américains du Mont Rushmore. Il ne s’est de toute façon jamais caché de la fililation directe et volontaire entre son film et celui d’Hitchcock.

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Avec Le Colosse de Rhodes, Sergio Leone s’amuse à détourner les codes du péplum, exagérant en toute conscience les nombreux anachronismes, construisant sa mise en scène avec une recherche constante des jeux d’apparences et des faux-semblants etc. Tout est envisagé selon une logique outrancière : la violence avec cette succession de gorges transpercées par les flèches, la direction d’acteur avec notamment le cabotinage du personnage du Roi de Rhodes, les costumes particulièrement sayants et kitchs, ou encore le côté toc des décors que Leone assume totalement. Le cinéaste s’amuse aussi à faire du Colosse l’anti Statue de la Liberté. La Grande Dame de Bartholdi brandit la torche et acceuille les migrants de sa bienveillance. Le colosse de Rhodes déverse lui sa flamme et se veut une figure protectrice, un rempart contre l’envahisseur.

Le colosse de Rhodes

Le personnage de Dario est lui aussi vu sous un angle quelque peu inédit. Alors que le péplum contient très souvent une connotation homosexuelle, Dario est un séducteur qui n’agit qu’en fonction des femmes, tel un James Bond des temps antiques. Sa posture induit une certaine dérision, des éléments de comédie. Il ne parait pas très sérieux… Leone prend véritablement à revers tout ce qui fonde généralement le genre. Même la présence au casting de Lea Massari, tout juste révélée par Antonioni dans L’Avventura, peut-être considérée comme une curiosité, sinon une surprise.

Le Colosse de Rhodes est le premier film officiellement signé par Sergio Leone. Le dernier plan est comme un pont lancé vers les westerns qu’il réalisera bientôt. Avant celà, on lui devra quand même Sodome et Gomorrhe, signé par Robert Aldrich mais que l’italien aura là encore pris à sa charge…

Benoît Thevenin


Le Colosse de Rhodes Note pour ce film :

Sortie française le 11 août 1961

Lire aussi :

  1. Le Bon, la brute et le cinglé (Joheunnom nabbeunnom isanghannom) de Kim Jee-Woon (2008)
  2. Sale temps pour les pêcheurs (Mal dia para pescar) d’Álvaro Brechner (2009)
  3. Romanzo Criminale de Michele Placido (2006)
  4. Rango de Gore Verbinski (2011)
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  1. […] La Grèce l’a mis en timbre , Sergio Leone en a fait un film […]

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