The Reader de Stephen Daldry (2009)

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Adaptation du best seller mondial de Bernard Schlink, The Reader faillit être porté à l’écran avec Nicole Kidman pour le rôle principal. L’actrice australienne fit faux bon à la production après avoir apprit sa maternité. Kate Winslet hérita du rôle en catastrophe et peut remercier Keith Urban, le père de l’enfant, puisque le personnage d’Hanna Schmitz permettra quelques mois plus tard à l’actrice suppléante de remporter deux récompenses majeurs, le Golden Globe et l’Oscar de la meilleure actrice. C’est à ça que ressemble The Reader, un film à Oscars qui n’hésite pas à recourir quasiment littéralement aux violons pour appuyer un récit déjà fortement empreint de noirceur et de tristesse.

Le livre comme le film commencent sur une thématique assez audacieuse : la passion amoureuse entre un adolescent de 16 ans et une femme en âge d’être sa maman. Dans le film de Daldry, l’évocation amoureuse est ratée pour ce qui est du plan de séduction entre les deux amants, maladroite et expéditive. La mise en scène érotique est déjà plus intéressante et audacieuse, les deux acteurs dévoilant assez largement leurs nudités. La passion est filmée crûment, mais dans les limites de la bienséance hollywoodienne. On est pas non plus dans Lust, Caution ou Basic Instinct. Cette relation n’est pas vouée à s’épanouir, quand bien même Michael, le jeune amant, tombe logiquement amoureux et se plaît à lui lire Homère et Tolstoï. Sa maîtresse, plutôt rustre et autoritaire, finira par disparaître du jour au lendemain. Le souvenir de leur passion érotico-littéraire marquera le parcours du garçon de façon évidente.

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Ce qui est plus surprenant, c’est la tournure de l’histoire. Michael, devenu étudiant en droit, retrouve Hannah sur le banc des accusés au cours d’un procès concernant les responsabilités nazies à l’intérieur des Camps. A partir de là, The Reader devient assez peu intéressant. Le personnage de Michael perd en consistance, réduit à une position de spectateur effaré. La mise en scène se concentre alors principalement sur l’actrice star du film pour un déroulement des faits reprochés qui suscite nécessairement un effroi autant chez le spectateur que pour le personnage de son ex-amant. Néanmoins, le film dérive progressivement mais très sûrement vers un conformisme moral qui n’était pas sa marque dans les premiers instants du métrage. The Reader se noie même dans une forme de complaisance largement appuyée par une bande-son ou on nous sort donc quasi littéralement les violons. Cette complaisance se ressent aussi du fait du comportement d’Hanna. Elle dont on comprend qu’elle fût une ignoble tortionnaire SS est progressivement dépeinte comme une nazie au grand coeur. Elle porte également en elle un secret qui pourrait la sauver de la sentence maximale mais qu’elle a la pudeur de garder pour elle.

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Hanna n’est donc jamais complètement antipathique. C’est même tout le contraire. Hanna n’est jamais montrée sous un très beau jour, mais jamais on ne se prend non plus l’envie de la voir traînée dans la boue. A l’inverse, la plupart des spectateurs risquent de s’attacher suffisamment à elle pour admirer sa droiture. Dès lors, le film avance comme sur un rail, et l’on devine les artifices lacrymaux qui agrémenteront cette histoire jusqu’au bout.

The Reader n’a évidemment aucune profondeur historique, ne nous apprend rien des comportements humains pendant la seconde guerre, ne nous révèle rien des mécanisme de l’Histoire. The Reader n’est qu’un mélo qu’il faut simplement considérer en tant que tel, qui émouvra sans trop de difficulté tant le film est exécuté dans les règles de l’art, dans la plus pure tradition des mélos hollywoodiens. Un vrai film à Oscar donc, et comme Kate Winslet est effectivement une grande actrice, qu’elle est encore convaincante ici, il est sans doute juste qu’elle soit récompensée.

The Reader est dédié à la mémoire d’Anthony Minghella et de Sydney Pollack, deux cinéastes crédités en tant que producteur du film mais qui sont malheureusement décédé en pleine production du film.

Benoît Thevenin


The Reader – Note pour ce film :

Sortie française le 15 juillet 2009

Lire aussi :

  1. The Queen de Stephen Frears (2006)
  2. Crazy kung-fu (Kung-fu Hustle/Gongfu) de Stephen Chow (2005)
  3. Conte de l’obscurité (Skazka Pro Temnotu) de Nikolay Khomeriki (2009)
  4. Amerrika (Amreeka) de Cherien Dabis (2009)
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Aucun commentaire sur “The Reader de Stephen Daldry (2009)”

  1. Vlad dit :

    C’est une de mes attentes du mois ce film. Je suis curieux de voir le résultat.

    Vlad

  2. oups dit :

    lacrymaux, convaincant 😉

  3. Benoît Thevenin dit :

    Merci ! C’est mieux ainsi 😉

  4. christophe dit :

    Je te trouve un peu sévère pour ce film, et pour le personnage d’Hanna (après tout qu’un personnage « ne soit jamais complètement antipathique », ce n’est pas forcément un mal, n’est-ce pas?. Les deux premières parties (l’histoire d’amour entre l’adolescent et la jeune femme, et le procès) m’ont bien accroché. C’est surtout dans le dernier tiers (la prison), plus tire-larmes, que tes reproches me paraissent fondés…
    En tout cas, chapeau pour l’ensemble de ton blog, vraiment passionnant à parcourir!

  5. Marie.b dit :

    Très bonne critique! Je suis d’accord avec tout ce que vous dites, surtout les violons (quelle horreur!)
    Tout simplement, j’ai détesté ce mélo hollywoodien!

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