Le temps qu’il reste (The Time that remains) d’Elia Suleiman (2009)

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Le réalisateur d’ Intervention Divine revient à Cannes avec « Le temps qu’il reste », un film parfait qui est un lauréat idéal pour la Palme d’Or.

Avec Le temps qu’il reste, Elia Suleiman puise très largement dans son histoire personnelle et raconte en filigrane de son auto-biographie, l’histoire de la Palestine depuis 1948 à aujourd’hui. L’entreprise est ambitieuse mais Suleiman réussit un film parfait. Ce qui saute aux yeux, c’est cette extrême méticulosité dans la mise en scène, avec des cadrages toujours parfaitement symétriques qui aident idéalement à l’efficacité des gags. On ne peut en fait pas trop parler de gags, mais de situations humoristiques très subtiles, qui fonctionnent beaucoup par effet de décalage au sein même du plan. La technique est très éloquente, qui rappelle à la fois Tati et Wes Anderson, bien que la nature de l’humour soit très particulière et pas tout à fait burlesque.

Il faut dire que Le temps qu’il reste n’est pas non plus une comédie mais un film grâce auquel on peut sourire et rire. Le film est passionnant au delà de sa richesse visuelle et de son aspect comique, arrivant à dérouler très subtilement, par petites touches et des métaphores constantes une histoire de la Palestine. La démarche paraît en plus honnête intellectuellement. On devine dans quel camp se range Elia Suleiman mais le propos du cinéaste, s’il apparaît effectivement parfois un peu partial – ce qu’ il est impossible et de très mauvais ton de le lui reprocher – n’est  jamais démagogique.

Elia Suleiman parle également de lui, déroule de la même manière que l’histoire politique de la Palestine, son histoire personnelle. Toute la grandeur du film est contenue dans cette distance juste qui est toujours maintenue entre les faits observés et la place qu’occupe Suleiman par rapport à ce qui est décrit.

Elia Suleiman nous a toujours passionné, son Intervention Divine – prix du jury à Cannes en 2002 – fonctionnait déjà sur les principes reconnus dans Le temps qu’il reste, mais c’est ce dernier film qui remporte notre adhésion pleine et franche. On est sans doute proche du chef d’oeuvre, d’un film en tout cas précieux et essentiel qu’il est urgent de consacré en tant que tel…

Benoît Thevenin


Le Temps qu’il reste – Note pour ce film :

Sortie française le 12 août 2009


Lire aussi :

  1. Intervention Divine (Yadon ilaheyya) d’Elia Suleiman (2002)
  2. Time Out (In Time) d’Andrew Niccol (2011)
  3. Sale temps pour les pêcheurs (Mal dia para pescar) d’Álvaro Brechner (2009)
  4. Frontier Blues de Babak Jalali (2009)
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Aucun commentaire sur “Le temps qu’il reste (The Time that remains) d’Elia Suleiman (2009)”

  1. Damien ARNAUD dit :

    je n’ai jamais vu un film aussi nul. La salle au festivale de cannes ce vidait au bout de 20 minutes. Monsieur Benoit thevenin soit vous vous êtes endormis pendant le film, soit vous vous êtes trompé de salle. Un film trés médiocre, aucune histoire, aucun humour. A aucun moment je n’ai souris. grosse déception. Et encore plus grosse déception de voir que des personnes parle en bien de ce film.
    Damien ARNAUD

  2. Anonyme dit :

    @ Damien Arnaud : Je crois effectivement qu’on n’a pas vu le même film car, à la projection du matin du moins,la salle ne s’est pas du tout vidée et le film a été bien accueilli par le public cannois. Je suis tout à fait d’accord avec la rédaction de Laterna Magica sur ce film qui est, à mon sens le meilleur de la compétition cette année.
    Pas d’histoire? Plusieurs histoires au contraire, subtilement entremêlées. L’histoire des palestiniens de Nazareth pendant 50 ans de conflit… L’histoire des parents du cinéaste et des liens forts qui les ont unis… L’histoire du cinéaste, qui a été contraint de quitter un temps sa terre natale avant d’y retourner plus tard. Une histoire de séparations, en somme, sublimée par des cadrages qui jouent tous sur la fragmentation, la division…
    Chacun réagit à un film en fonction de son propre vécu, de sa propre sensibilité, et je comprends tout à fait que l’on puisse rester hérmétique aux lents plans fixes du cinéaste, mais l’oeuvre véhicule bien un propos profond et subtilement politique, et sa qualité artistique est indéniable…

  3. Foxart dit :

    Pas d’humour ??
    Rien que la bande annonce regorge de fantaisie et d’émotion…
    J’ai adoré Intervention divine et toutes les images (extraits, trailers…) que j’ai vu de celui ci m’ont impressionné par leur incroyable montage, leur brillante et originale mise en scène, leur poésie et leur drôlerie…
    Je crève d’envie de le voir et je parierais que je serais parmi les alliés de ce blog pour le défendre

  4. ilestcinqheures dit :

    J’attends avec impatience la sortie de ce film. Ma femme est de Nazareth mais n’a jamais pu y mettre les pieds. C’est donc un voyage par proccuration qu’Elia nous offre à chacun de ses films.
    PS : je viens de poster après vous un comment sur le blog Tadah Blog au sujet du Festival Who Loves The Sun et des fabuleux Haussmann Tree (dont je suis un ex-membre…)
    Bien à vous.

  5. christophe dit :

    j’avais déjà beaucoup aimé « intervention divine » et ce que tu en dis donne très envie de le voir.

  6. Eric dit :

    Pour être tout à fait exact et parfaitement chiant, je me situe quelque peu entre les deux positions exprimées ici : ce n’est certes pas un film nul et il me paraît douter de le caractériser ainsi, mais je suis malheureusement loin de partager ton avis dithyrambique sur « Le temps qu’il reste ». Bien que la mise en scène soit géométriquement parfaite et que le jeu des acteurs transperce littéralement l’écran, le film manque singulièrement de vie. Lorsque Suleiman lui-même apparaît, une intensité toute neuve vient se coller à l’image et relance quelque peu l’attachement.
    Autrement, je sais gré à Suleiman pour son humilité politique, sa mise à distance des événements, au profit de la seule histoire qu’il souhaite raconter : celle d’une famille et juste des gens, en prise avec le réel. Partisan, oui. Comment ne pas l’être? Mais jamais abusif. « Le temps qu’il reste » n’est pas un grand film, mais l’homme, lui, est immense.
    (Image poétique par excellence: le saut à la perche par dessus le mur de la honte. Incroyable!)

  7. Marie.b dit :

    Je ne sais pas vraiment qui écrit ce blog (un critique professionnel, un cinéphile passionné?) mais en tous cas, cette critique bien écrite trouvée grâce au hasard du web m’a convaincue de voir ce film.
    Et je vous en remercie!
    J’ai adoré ce film, délicat et important.
    Merci pour vos critiques intéressantes et bien écrites!

  8. GreenCinema dit :

    Ainsi que le souligne Elie « Le silence est le privilège donné au spectateur de mettre ce silence en mots, de prendre part à la création de l’image (…). C’est le retour naturel et intuitif au cinéma des origines . »
    Je vous invite à lire la suite de notre critique sur « Le Pont du 7e art » : http://pontdu7eart.wordpress.com/2010/01/29/le-temps-quil-reste-petite-perle-de-2009/

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