The Last Face de Sean Penn (2016)

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Neuf ans après Into The Wild, Sean Penn traduit par la réalisation d’un film de fiction, l’engagement humanitaire qui est le sien depuis plusieurs années. Le cinéaste situe le cadre de son récit dans le Libéria et dans la Sierra Leone en guerre au début des années 2000, mettant en scène la relation entre Miguel (Javier Bardem), chirurgien espagnol, et Wren (Charlize Theron), fille du fondateur de Médecins du monde.

C’est peu dire que l’entreprise menée par Sean Penn est risquée, tant la star, par ailleurs excellent cinéaste comme il l’a parfaitement prouvé avec ses quatre précédents longs-métrages, livre un film assez peu évident à appréhender.

Tout le paradoxe tient au fait de concevoir un film dans une forme très hollywoodienne, avec un casting 3 étoiles (Theron, Bardem, Reno), tout en n’accordant que peu de concession à son propos et à ses convictions. Pire, il les dilue dans un mélo romantique parfaitement inconsistant.

Le paradoxe, c’est donc aussi celui d’une star du monde du cinéma qui utilise les moyens du système qui l’a mis sur un piédestal ainsi que le prestige de sa propre image, pour adresser au monde, à l’occident en particulier, une sorte de leçon morale qu’il est aisé de trouver de très mauvais goût.

Sean Penn ne se contente pas de montrer la guerre dans toutes ses horreurs. La romance qui constitue le fil rouge de l’histoire a quelque chose d’obscène. Le cinéaste met sur le même plan la passion amoureuse, et les tumultes de la violence des hommes. C’est osé et d’autres s’y sont aventurés sans beaucoup de succès non plus. Sean Penn a cependant assez d’intelligence pour inscrire son film dans la cohérence, non seulement de ses convictions politiques, mais aussi de ses autres films de réalisateur.

L’histoire de The Last Face ne se résume pas à la grande romance qui se déploie dans les coulisses des massacres. Le film de Sean Penn est surtout le portrait d’une femme déterminée, active, mais qui à force de constater les limites et la fragilité des actions menées par les ONG humanitaires, en vient à douter d’elle même, à oublier le sens de son combat, et à perdre complètement pied, voir même la raison. Dans son cheminement, elle n’est pas de celui de Jerry Black (Jack Nicholson) dans The Pledge (2001).

Sean Penn n’a certainement pas opté pour la facilité en faisant ce film. The Last Face va constituer un support évident pour replacer dans l’espace publique, au gré de sa tournée promotionnelle, les préoccupations morales, sanitaires et humanistes qui sont les siennes. C’est aussi un film qui risque de profondément décevoir le public. Pour les spectateurs en quête d’une belle histoire d’amour, la violence de ce qui joue en même temps sur le terrain guerrier, risque de mettre mal à l’aise. Pour ceux en attente d’un film politique et subtilement dénonciateur, la romance entre les personnages ne pourra pas être reçue autrement que comme gênante et de peu de goût. Le cinéaste situe son film exactement entre ses deux espérances, offrant un film personnel et conscient, mais fragile et bancal et donc peu évident à aimer.

Benoît Thevenin

Lire aussi :

  1. Into the wild de Sean Penn (2007)
  2. Sean Penn
  3. Visage (Face) de Tsai Ming-Liang (2009)
  4. La Nuit d’en face (La Noche de enfrente) de Raoul Ruiz (2012)
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