Moi, Daniel Blake de Ken Loach (2016)

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Deux ans après Jimmy’s Hall, annoncé alors comme son ultime film, Ken Loach s’offre un peu de rab. On imagine volontiers que le cinéaste britannique se serait bien passé de ce nouvel effort. A la découverte de Moi, Daniel Blake, on comprend combien la colère de Ken Loach est intacte, et combien elle a nourri cette rage que l’on retrouve dans ce film. Le cinéaste qui a tant forgé sa réputation dans la dénonciation des réformes de Margaret Thatcher dans les années  80, a trouvé dans les lois sociales votées à l’initiative du gouvernement de David Cameron, celle notamment qui pousse les agents de l’Etat à un contrôle toujours plus strict des conditions d’attribution des allocations sociales, le terreau fertile pour s’indigner encore plus fort.

C’est ainsi que l’on se retrouve immédiatement projeté dans l’écoute d’une conversation à sens unique entre Daniel Blake et une conseillère en charge de son dossier de demande de pension d’invalidité. Cet échange donne une bonne idée de la personnalité de ce Daniel Blake : il ne lâchera jamais rien et sait tancer comme il le faut les contradictions de ses interlocuteurs. Empêché par son médecin de travailler en raison de la fragilité de son coeur, Daniel Blake ne comprend pas pourquoi on lui refuse sa pension d’invalidité. Un peu plus tard, lors de son pointage dans une agence, il prend fait et cause pour une jeune mère célibataire, renvoyée manu militari de l’endroit pour être arrivée en retard à son rendez-vous.

A partir de là le décor est planté. Les amoureux du cinéma de Ken Loach, autant que ses détracteurs de toujours, trouveront dans les portraits de ce Daniel Blake et de l’infortunée Katie, toutes les raisons qui font qu’ils aiment ou pas le cinéma du duo Loach/Laverty. Le réalisateur et son incontournable scénariste ont imaginé une histoire à la fois cousue de fil blanc et toujours à la lisière du pathos. Pourtant, une fois encore, le film de Ken Loach réussi à ne pas sombrer dans le mélo insupportable. Si l’histoire est profondément manichéenne, avec d’un côté les victimes du système et de l’autre l’impitoyable logique libérale, la force du film tient une fois encore dans l’exceptionnelle bienveillance que le cinéaste porte sur ses personnages. Daniel Blake est un homme exemplaire, généreux, courageux, jamais résigné, et toujours là pour aider ceux qui l’entourent. Le personnage de Katie, fragile, débordée de toute part est également foncièrement positif. Elle se sacrifie littéralement pour ses deux enfants, autant adorables l’un que l’autre. La nuance n’existe donc pas vraiment dans le cinéma de Ken Loach, et ça ne date pas d’hier, mais il faut ça sans doute pour démontrer l’insupportable pression exercée par le système sur les personnes les plus faibles. A chacun ses armes. Quand le gouvernement vote des lois injustes et excluantes, Ken Loach répond à sa manière, en montrant ceux laissés pour compte. L’indignation du cinéaste a toujours quelque chose de rassurante et salutaire, quand bien même elle n’empêche rien. Au moins Ken Loach contribue à alerter les consciences, et avec Moi, Daniel Blake, il signe un de ses plus beaux manifestes.

Benoît Thevenin

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