Soleil de plomb de Dalibor Matanic

soleil de plomb

Ce n’est certes pas une exclusivité propre au cinéma, mais souvent le septième art permet de raconter la grande histoire par le prisme de la petite. C’est tout à fait le cas de Soleil de plomb, premier film du croate Dalibor Matanic. Le film se découpe en trois tableaux, trois histoires se déroulant chacune à dix ans d’intervalle, à partir de 1991 à l’aube de la guerre qui déchira la yougoslavie, puis 2001, au lendemain de cette guerre, et enfin en 2011, quand il faut tourner la page et apprendre à pardonner enfin.

Les trois histoires mettent en scène le même duo d’acteurs, mais ils incarnent à chaque fois des personnages differents. Chaque segment, de durée équivalente (35 min environ) est indépendant des deux autres, et pourrait constituer un court-métrage unique. Mais s’ils sont réunis pour faire un long-métrage c’est bien parce qu’il y a une cohérence absolue à les voir se répondre et former un propos fort, puissant et d’une grande émotion.

La première partie est sans doute la plus saisissante, car l’imminence de la guerre est palpable, parce que la mise en scène parvient à faire ressentir l’angoisse latente et parce que le découpage des séquences est à ce point brillant (cf .la scene ou le frère vient chercher sa soeur sur la plage) que l’intensité est à son paroxysme. Les deux autres récits se déroulent dans des contextes plus apaisés, à l’écart du monde, mais n’en demeurent pas moins fascinants. La caméra du cineaste reste subtile, capte les ombres et les non-dits. Surtout, dès le second segment et encore plus ensuite avec le troisième et dernier, se met en place un jeu passionnant. Les comédiens principaux sont réemployés, mais les différents personnages qu’ils interprètent sont à ce points proches qu’ils convoquent à  chaque fois ceux incarnés précédemments.

En liant les histoires entre elles de part les comédiens, mais aussi de part une unité de lieu chaque fois semblable, le cinéaste ressuscite habilement les morts, fait émerger des fantômes, soit la preuve de blessures historiques qui hantent les générations qui se succèdent sans réussir à oublier. C’est là la prouesse et la très grande qualité du film, qui à sa manière subtile, sans rien montrer ou presque des haines qui ont dechiré les peuples des balkans, livre une oeuvre à la puissance d’évocation stupéfiante. C’est ce qu’on peut appeler sans crainte des grands mots, un grand film. 

B.T

Lire aussi :

  1. Soleil Trompeur 2 – L’Exode (Utomlyonnye Solntsem 2: Predstoyanie) de Nikita Mikhalkov (2010)
  2. Soleil trompeur (Утомлённые солнцем) de Nikita Mikhalkov (1994)
  3. Días de gracia d’Everardo Gout (2011)
  4. Serbis de Brillante Mendoza (2008)
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