[FICA 2016] Tharlo de Pema Tseden

Tharlo-2

Festival des cinémas d’Asie de Vesoul 2016 – En compétition

Tharlo est berger dans les montagnes tibétaines. Il descend à la ville dans un but simple, celui de faire éditer sa carte d’identité. Il n’en mesure guère l’intérêt, lui qui vit seul avec son troupeau de plus de 300 moutons. Tharlo a cependant un talent remarquable, une mémoire impressionnante qui lui permet par exemple de réciter en un souffle Le Petit livre rouge de Mao. Ce don qui pourrait lui être autrement utile, lui sert essentiellement à tenir à jour dans sa tête le décompte exact de ses moutons. La vérité est peut-être autre. Sa capacité de mémorisation tient elle au fait que dans ses montagnes, Tharlo n’a pas de préoccupations autres que son troupeau, sinon Le Petit livre rouge ? Son séjour en ville va en tous les cas lui offrir l’occasion d’une rencontre bouleversante avec une jolie coiffeuse à l’attitude étrangement entreprenante. Il a environ deux fois son âge, et son air ahuri traduit facilement son innocence et sa profonde naïveté.

La mise en scène, composée exclusivement de plans fixes, évolue entre long plan-séquences (au début) et plans plus concis (à mesure que le scénario se déroule). Tharlo est également rarement au centre du cadre, parfois même carrément décadré. La durée des plans semble ainsi suggérer la stabilité émotionnelle du personnage, en même temps qu’il apparaît relativement déphasé avec le monde citadin.

Tharlo est un garçon simple et agréable, sinon docile. Il obéit dès qu’on lui demande quelque chose, même dérisoire, comme s’il préjugeait que l’on sait mieux que lui ce qu’il doit faire. Au contact de la coiffeuse, Tharlo se laisse gentiment pervertir et envouter. Et bientôt, Tharlo laisse ses pensées dériver. Il se découvre des sentiments pour la jeune fille. La scène est d’ailleurs très belle quand Tharlo, de retour dans sa montagne, chante seule des chansons d’amour qui recouvrent l’écho lointain des bêlements de ses moutons. Il est évident que le berger commence à perdre le contrôle, et pas surprenant qu’un loup réussisse à le surprendre pour massacrer une partie de son cheptel. Il n’est pas surprenant non plus de voir revenir Tharlo en ville, quitte à perdre davantage ses repères, et sa raison. Maintenant que le berger s’est laisser vampiriser, maintenant qu’il a trouvé quelqu’un à qui penser, qu’en sera t’il de sa fantastique capacité à réciter d’une traite Le Petit livre rouge ? Les doutes dans lesquels Tharlo plonge, ils sont ceux d’une jeunesse tibétaine actuelle en perte de repère, écartelée entre la tradition morale bouddhiste et les tentations citadines. C’est tout l’objet de ce film autant simple que touchant et finalement assez profond.

B.T

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