Saint Laurent de Bertrand Bonello (2014)

 

Bertrand Bonello a choisi de concentrer son portrait du styliste parisien essentiellement sur la période 1967-1976, soit un axe charnière dans l’histoire sociale de la France contemporaine. Le cinéaste ne raconte pas seulement une vie/un personnage, il redessine aussi tous les contours d’une époque. En l’occurrence c’est souvent ça qui fait l’intérêt d’un biopic, quand intérêt il y a.

Ce Saint Laurent là, est comme sanctifié, ne serais-ce que par le titre. Le film ne tend que vers une seule chose, faire état de l’immortalité de YSL. Par sa mise en scène, brillante de A à Z, Bonello offre autant un formidable objet de cinéma qu’un superbe écrin à la réputation du styliste, comment son coup de crayon a accéléré l’émancipation des femmes, mais aussi sa réputation d’artiste à part entière, de créateur génial.

C’est par la mise en scène d’abord que Bonello impulse le dynamisme de la vie de YSL et qu’il la replace dans le contexte d’une époque pleine de bouleversements. Par un split screen intelligent et audacieux, il montre les collections défiler en même temps que les images d’archives représentant aussi bien Martin Luther King et la lutte pour les droits civiques que Charles De Gaulle, la guerre d’Algérie et les accords d’Evian. La réalisation ne se résume pas à ce genre d’effets tape à l’oeil. La rencontre avec Betty (sublime Aymeline Valade) en boite de nuit, dans un même mouvement de caméra, sur une danse envoutante, et sur la base d’un jeu de regard subtil, est un autre moment fort du début du film. Les scènes emblématiques, chargées de sens et de symbolique, se multiplient tout au long du récit pour donner une impression de film à vignettes, mais elles sont suffisamment bien reliées les unes aux autres pour que l’on se laisse emporter facilement.

Le coeur du film s’articule néanmoins autour des passions de YSL. Il y a bien sûr, en premier lieu, la relation avec Pierre Bergé. Mais c’est un jeu à trois qui se met en place dès lors que Yves Saint Laurent tombe amoureux de Jacques Bascher (Louis Garrel). En traitant cette partie par un aller et retour constant entre les années 70 et la fin de vie de YSL (incarné alors par Helmut Berger), Bonello rend compte du caractère chaotique de la vie du créateur alors et  comment la passion amoureuse le consumait et le pervertissait.

Le film ne serait pas une complète réussite sans un casting convainquant. Gaspard Ulliel est un fabuleux Saint Laurent, avec un travail sur la gestuelle et la voix proprement impressionnant. Jeremie Renier en Pierre Berger, Louis Garrel, Helmut Berger, Aymeline Valade, Lea Seydoux etc. Tous incarnent leur personnage de manière simple et juste, sans chercher le pastiche grotesque, piège dans lequel tombe la plupart des biopics, mais pas celui là. Bonello a réussi un pur film de cinéma autant qu’un hommage respectueux et tout à fait noble à qui était Saint Laurent. La dernière phrase est géniale. « Lève le bras Yves pour montrer que tu es vivant ».

Lire aussi :

  1. L’Apollonide – souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello (2011)
  2. Entre les murs de Laurent Cantet (2008)
  3. Dernière séance de Laurent Achard (2011)
  4. Couleur de peau : miel de Jung et Laurent Boileau (2012)
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