Camille redouble de Noémie Lvovsky (2012)

Avec Camille Redouble, Noémie Lvovsky renoue avec la chronique adolescente, un genre qu’elle a si brillamment abordé avec La Vie ne me fait pas peur (1999), prolongement de Petites, réalisé pour Arte deux ans auparavant. Dans ses deux films, elle s’était fabriquée un alter égo à travers le personnage d’Emilie, joué alors par Magali Woch. Depuis, Noémie Lvovsky à bien grandi. Elle a même embrassée une belle carrière de comédienne à partir du début des années 2000, et notamment marqué les esprits en 2009 avec son rôle de mère envahissante de Vincent Lacoste dans Les Beaux gosses de Riad Sattouf.

En mettant en scène son retour au lycée, en s’appropriant le rôle de Camille, en renouant avec les années 80, les copines, les émois amoureux, les relations avec les parents, Noémie Lvovsky ne fait pas que reprendre à sa manière le principe de Peggy sue s’est mariée, elle effectue un retour sur son propre parcours de cinéaste.

Camille Redouble constitue une sorte de point de rencontre entre Petites/La Vie ne me fait pas peur et Les Beaux gosses. D’une part, on retrouve ce même équilibre entre légèreté, euphorie et gravité ; d’autre part il y a le même mélange entre tendresse et esprit quelque peu potache.

Le film commence par le tournage d’une scène gore. Camille (Noémie Lvovsky) est allongée sur un lit et se fait bientôt égorgée sous l’oeil attentif d’un réalisateur qui est joué par… Riad Sattouf. Camille est une actrice en galère, fatiguée, et qui noie sa détresse dans les verres de whisky qu’elle enchaine à une vitesse inquiétante. A la maison, ça ne va pas fort. Son mari est arrivé à bout de patience avec elle et ils divorcent. Sa fille est déjà grande, émancipée, et ne passe la voir qu’en coupe-vent. Camille a bien des raisons de se sentir seule et déprimée. Elle trouve quand même du réconfort auprès de ses fidèles amies. Elle part fêter la Saint Sylvestre chez l’une d’elle mais sur le chemin s’arrête chez un bijoutier (Jean-Pierre Léaud) pour faire scier son alliance. Plus tard, les douze coups de minuits lui sont fatals. Elle tombe, et lorsqu’elle se réveille, elle ne comprend pas ce qui lui arrive. Ses parents sont là, inquiets, et elle à de nouveau quinze ans…

Pour le spectateur, Noémie Lvovsky reste Noémie Lvovsky. Elle n’a plus quinze ans mais pourtant les personnages la voit avec cet âge là. Son personnage, Camille, réalise progressivement qu’elle est revenue à une époque déterminante de sa vie, quelques semaines avant la mort de sa mère le jour où elle lui a annoncé être enceinte. Camille n’aura pas le pouvoir de changer le cour de son destin, mais elle a une chance de pouvoir vivre les choses différemment pour être davantage en paix avec elle même.

Camille a sa conscience de femme qui a vu ce que la vie pouvait lui offrir comme joies et peines. Elle est avertie, mieux préparée à affronter cette période si délicate. Camille considère sa situation comme un jeu. Elle ne sait pas si elle renouera avec le cour normal de sa vie, mais elle éprouve un vrai plaisir a retrouver les choses simples qui ont fait son adolescence et qui se sont évaporées.

Le décalage induit par sa situation nourrit bien sûr toute la mécanique humoristique du film. Camille redouble est un délice de finesse, d’inventivité, d’intelligence et d’énergie. Cette chance que Camille a de revivre son adolescence, soyez sûr qu’elle ne va pas la gâcher. Elle se rend compte de ce qu’elle a raté la première fois, de là où les choses ont peut-être commencé a déraper parce qu’à l’époque elle était innocente et naïve. Ce retour est l’occasion de prendre sa revanche, notamment envers les garçons. Ceux-ci sont joués par Vincent Lacoste et Anthony Sonigo (les héros des Beaux gosses), mais celui qu’elle va le plus tourmenter, c’est celui qui va devenir son mari, Samir Guesmi. Lui aussi n’a pas rajeuni, ni pour l’oeil du spectateur, ni pour celui de Camille, et cette super idée est riche de promesses pour les spectateurs. Camille, elle, sait tout le mal qu’il finira par lui faire, alors elle résiste tant qu’elle peut pour espérer éviter ça. C’est assez réjouissant de voir ses deux corps adultes rejouer des scènes de séductions avec le comportement fragile de deux grands enfants.

Camille redouble est un film généreux, enthousiasmant, attendrissant et qui offre un merveilleux message d’amour et de réconciliation. Noémie Lvovsky ne se complait pas dans le passé, elle apprend à accepter son présent. Le film est une merveilleuse introspection, une fantaisie nécessaire et qui procure beaucoup de bien, mais aussi un film qui nous rappelle qu’on ne doit laisser aucune chance aux regrets de pourrir notre futur, qu’il faut savoir profiter des moments qui s’offrent à nous, et apprécier ce que l’on a. Evidemment ce n’est jamais simple. Les épreuves de la vie n’épargnent personne. Le plus important alors, c’est simplement de rester en paix avec soi même. La scène finale, magnifique, montre que ça en vaut vraiment la peine.

Benoît Thevenin

Camille redouble ****

Sortie française le 12 septembre 2012

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