[My Blueberry Nights] Interview avec Norah Jones et Wong Kar-wai


Laterna Magica est allé à la rencontre de Norah Jones et de Wong Kar Wai à l’occasion de la sortie de « My Blueberry Nights », premier film américain du cinéaste, mais également premiers pas d’actrice pour la reine de la soul music. .


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Quel genre de réalisateur Wong Kar Wai
était-il sur le plateau ?
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Norah Jones : Je ne peux évidemment pas le comparer à d’autres, mais il était très doux, très attentionné, et très doué pour expliquer ce qu’il voulait de moi. Il savait comment l’obtenir. Si toute l’équipe n’avait pas été aussi gentille avec moi, je ne sais pas comment j’aurais réagi.

Aviez-vous vu ses films ?

NJ : Oui, mais au moment où j’ai appris qu’il voulait travailler avec moi, je ne savais rien de lui et je n’avais jamais vu aucun de ses films. Quand j’ai apprit qu’il voulait me rencontrer, on m’a envoyé ses films. Je les ai regardés et j’ai trouvé qu’ils étaient incroyables. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté de le rencontrer. Je lui faisait totalement confiance pour faire le film. Moi, je n’avais pas vraiment confiance en moi pour jouer la comédie. Mais lui me faisait confiance malgré tout…

Wong, Il y a de nombreuses similitudes entre « Chungking Express » et « My Blueberry Nights ». La chanson California Dreamin’ des Mamas & the Papas, entendue dans « Chungking Express », peut d’ailleurs faciliter la transition entre les deux films. Cette connection vous semble-t-elle naturelle ?
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Wong Kar Wai : En réalité, je ne crois pas que « Chungking Express » et « My Blueberry Nights » se ressemblent vraiment. Il y a quand même une similitude puisque les deux films se passent dans une cafétéria, mais le reste est très différent. Le film me rappelle plutôt « In the Mood for Love », car l’idée originale provient d’un chapitre de « In the Mood for Love » qui a été coupé au montage.
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On peut d’ailleurs entendre Yumeji’s Theme dans les deux films…

WKW : Oui, cette musique a été composée il y a quelques années, pour ce chapitre. C’est pourquoi je l’ai utilisée dans le film. Parce que ce chapitre n’a jamais été montré. Il n’a été projeté qu’une seule fois, à Cannes, en 2001.

Faye Wong, une chanteuse très populaire en Chine, a commencé sa carrière d’actrice avec vous dans « Chungking Express »… Y a t’il quelque chose de particulier qui vous intéresse chez les chanteuses ?

WKW : Non, je ne pense pas pouvoir considérer que je suis particulièrement intéressé par les chanteuses. C’est simplement que Faye et Norah sont naturelles, ce sont des personnes très intéressantes, qui ont une personnalité intéressante, et un visage intéressant également.

Norah, maintenant que vous avez tourné dans « My Blueberry Nights », souhaitez-vous, à l’exemple de Faye Wong, poursuivre votre carrière d’actrice ?

NJ : Je ne sais pas. Si quelque chose de bien arrive, comme ce film, j’adorerais essayer encore et m’améliorer. Mais ça n’est pas une obligation… on verra.
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Wong, Les villes avaient un rôle important dans vos précédents films. Ici, au contraire, on a le sentiment que vous souhaitez échapper à tout attachement géographique. Est-ce un choix volontaire ?

WKW : Non, c’est parce que le film parle des distances. La distance, pour Norah, c’est le temps qu’elle aura pour se préparer. La distance entre elle et son ex, c’est la rue. Et la distance entre elle et Jude, c’est le comptoir, car ils sont toujours séparés par ce comptoir. Le premier baiser, c’ est la première tentative de Jude d’atteindre l’autre côté, de passer cette frontière, de l’atteindre. Et la seconde fois, à la fin du film, c’est comme si c’était elle qui faisait un effort, pour le rejoindre.  C’est pourquoi nous avons choisi de filmer le baiser en vue du dessus, afin que l’on puisse voir clairement la distance qui les sépare.

Quelle différence y a t’il entre travailler avec Christopher Doyle et avec Darius Khondji ?
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WKW : On s’amuse beaucoup, avec Darius, car il y a beaucoup de choses que l’on partage. Avec Chris, c’est différent. Travailler avec Darius prend du temps, car je  dois lui expliquer ce que je veux. Nous avons donc pris beaucoup de photos pendant le voyage, et je lui ai expliqué ce que je voulais. Avec Chris, on n’a pas besoin d’expliquer quoi que ce soit car nous avons travaillé ensemble pendant des années et nous savons donc exactement quels sont nos goûts, et quels seraient les angles. Après, Darius admire Chris bien entendu… Il venait toujours m’interroger sur la façon de travailler de Chris. J’ai du lui dire « Ecoute, ne pense pas à ce qu’aurait fait Chris, tu dois faire tes propres choix ». Il est très difficile de recréer une amitié de 15 ans en si peu de temps.
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Mais alors, Pourquoi ne pas avoir travaillé avec Christopher Doyle sur ce film ?

WKW : A cette époque, Il travaillait déjà sur un autre film, « La jeune fille de l’eau » de M. Night Shyamalan.
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Pouvez-vous nous parler de vos projets ? Il y a tout d’abord le projet sur le maître de Bruce Lee, avec Tonny Leung. Mais également le projet avec Nicole Kidman.
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WKW : Le film sur Bruce Lee s’appellera « The Grand Master ». Avec « The Lady from Shanghai », ce sont deux projets sur lesquels nous travaillons actuellement. Ces deux films sont compliqués, car l’un se passe dans les années 30, et l’autre dans les années 50. Cela nous demande donc du temps. Mais c’est ce sur quoi je travaille en ce moment.
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Lequel de ces deux projets sera votre prochain film ?

WKW : Je ne sais pas encore. Cela dépend vraiment des disponibilités des acteurs.
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Norah, il a été question a un moment donner que vous tourniez un film avec Wong Kar-wai sur l’ouragan Katrina ?
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NJ : Je crois que Wong pensait tourner des scènes là-bas et que ça ferait partie de l’histoire, mais quand il est allé sur les lieux, il a compris que ce serait trop tôt, et inapproprié. Il a changé d’avis. Ça aurait été le même film, la même histoire, seulement il avait changé d’avis depuis longtemps.

WKW : En fait, quand nous préparions ce film, nous avons traversé les Etats-Unis et visité de nombreux endroits. Nous sommes arrivé à la Nouvelle-Orléans, juste après le passage de Katrina. Il y avait de nombreuses raisons de filmer dans cette ville… Tout d’abord, pour des raisons historiques. Ensuite, ils essayaient vraiment d’aider cette ville, et il y avait donc beaucoup d’aides financières pour filmer là-bas. J’ai été très impressionné par les gens : ils sont très proches, et, malgré les dommages importants, ils ont gardé un certain sens de l’humour face à ces événements. Au final, nous avons choisi de ne pas tourner là-bas. Tout d’abord, en termes de logistique, les choses auraient été trop compliquées. Ensuite, je ne voulais pas tirer profit de ce désastre. Nous avons donc choisi de tourner à Memphis plutôt qu’à la Nouvelle-Orléans.
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Interview réalisée par Benoît Thevenin à Paris, le 13 novembre 2007

My Blueberry Nights

Sortie française le 28 novembre 2007



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