Himizu de Sono Sion (2011)

Le 10 mars 2012, un an jour pour jour après la double catastrophe  qui a frappé le nord du Japon, le festival de Deauville Asia programmait le nouveau film de Sono Sion (quelques mois après sa première mondiale à Venise). Himizu devrait bénéficier d’une sortie dans les salles françaises bientôt, ce qui rendra enfin justice à un réalisateur inclassable mais qui peu à peu se taille la place qu’il mérite dans le concert des cinéastes qui comptent aujourd’hui.

Himizu est à l’origine un manga de Minoru Furuya représentant 4 volumes publiés au Japon entre 2001 et 2002. Sono Sion avait déjà commencé le tournage du film lorsque la catastrophe eu lieu mais a immédiatement décidé de transposer l’histoire de Sumida, jeune garçon nihiliste et obsédé à l’idée d’être un garçon normal, dans le Japon post-Fukushima. Les travellings latéraux le long des étendues désolées de la côte du nord du Japon près de Sendaï nous ramènent de façon cinglante à cette réalité proprement apocalyptique. Les personnages du film n’ont plus rien, vivent dans des cabanons où sous des tentes au bord de la plage. Ils continuent de vivre, s’adaptent, mais, à l’exception notable de Sumida, ne se résignent pas.

Sumida est un garçon humilié par son père qui ne cesse de répéter qu’il aurait préféré le voir périr lors du tsunami du 10 mars. Le ressentiment entre les deux est partagé. Une jeune fille de son lycée est inconditionnellement amoureuse de lui. Elle s’emploie au delà de toute raison pour sortir Sumida de son état d’accablement, même si son acharnement semble vain.

Himizu est le pendant direct de Love Explosure, LE Chef d’oeuvre de Sono Sion et le film qu’il ne dépassera sans doute jamais. Himizu arrive quand même à sa cheville, est un film avec peut-être moins d’amplitude, mais avec un souffle incroyable, une ferveur sidérante et qui provoque d’innombrable frissons. Sono Sion nous prend aux tripes. Les personnages sont dans l’exaltation permanente, ils ne parlent pas mais hurlent, sans que cela dérange. Sono Sion est le maître de tous les excès mais ils convergent là dans un même sens, un souffle qui nous emporte et nous ravage. Le film est puissant, viscéral, porte en lui une force cathartique qui finira par tout expurger de l’âme de ces personnages. On est vraiment très proche de Love Explosure, et la fin le confirme. Himizu, comme Love Explosure, est quasiment le seul film de Sono Sion qui finit par tourner le dos au cynisme et à la noirceur du monde pour  arracher un espoir, marteler un message de courage et d’amour et qui empêche tout renoncement.

Benoît Thevenin

Himizu ****1/2

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