Babycall de Pål Sletaune (2011)

Une jeune maman cherche à échapper à la violence de son mari et protéger son enfant que celui-ci aurait brutalisé. Avec son fils âgé de huit 8 ans, elle s’installe dans un logement au 7e étage d’un immeuble dans une cité. La jeune femme vit dans la terreur et est persuadée d’imaginer des choses qui n’existent pas. Elle achète un babyphone pour que son fils n’échappe jamais à sa vigilance, mais l’appareil capte des cris provenant d’un autre appartement…

Intégralement envisagé à travers le personnage de Anna, Babycall est entièrement porté par son actrice, Noomi Rapace, première interprète de Lisbeth Salander dans le Millenium suédois et actuellement à l’affiche de Sherlock Holmes 2. L’actrice est impressionnante en héroïne fragile et paranoïaque et la réussite du film passe d’abord par elle.

Pål Sletaune construit un film bourré de fausses pistes et nous trimballe exactement là où il souhaite nous amener sans disséminer trop d’indices pour que le spectateur puisse anticiper la révélation finale. Fourbe, le récit est néanmoins très bien mené, entre réalité et fantasme, sans qu’il y ait possibilité d’identifier ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Le spectateur est obligé d’attendre la conclusion pour comprendre le sens de l’intrigue, quoiqu’une impression floue reste quand même, qui oblige un minimum de discernement.

Le résultat, c’est cette sensation de s’être fait berné d’un bout à l’autre et qui risque d’être diversement apprécié. On accepte, ou pas.  Le scénario n’est pas si malin, c’est plutôt le réalisateur (également auteur du scénario) qui entourloupe tout le monde en retournant certaines fonctions à sa guise, quitte à sacrifier la cohérence de son intrigue. Il n’est pas sûr que le spectateur supporte une seconde vision. Une fois dans la confidence, l’histoire ne tient plus guère debout… Après, force est de constater l’efficacité du film. Le mystère est correctement entretenu, la menace plane en permanence, et le cinéaste capte parfaitement notre intérêt, parvient à faire ressentir une certaine angoisse. On ressent en tous les cas une réelle empathie pour le personnage d’Anna, assez pour partager ses inquiétudes lorsque l’étau social se resserre autour d’elle. La première et même la seule menace qui l’affecte vraiment, c’est l’hypothèse que l’on puisse la priver de la garde de son fils. Elle le répète d’ailleurs au moins une fois, « sans toi, je ne vis plus ».

Mis en scène très proprement et classiquement, Babycall fonctionne d’abord pour l’émotion qu’il déploie. Pål Sletaune mise sur un certain réalisme, même si le récit joue continuellement avec les frontière du drame fantastique. Avec des si, on se prend à imaginer être dans un film de fantôme… à moins que pas du tout. Vous ne le saurez qu’à la toute fin. En tout cas, on est vraiment sensible à la situation qui pèse si lourdement sur l’équilibre mental d’Anna, on partage sa souffrance et ces doutes. Habile et poignant, le film est plutôt une réussite, que la performance de Noomi Rapace aide bien. Reste à savoir si vous aimez être manipulé de A à Z. Dans ce cas, soyez alors averti que c’est ici exactement le cas, même si oui, avec un certain talent. Pour preuve que la duperie n’a rien de rédhibitoire, Babycall a raflé le Grand Prix du jury (présidé par Enki Bilal) et le Prix de la critique lors du 19e festival de Gérardmer en 2012.

Benoît Thevenin

Babycall ***

Sortie française le 2 mai 2012

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