Twixt de Francis Ford Coppola (2011)

Gérardmer 2012 / Film d’ouverture.

Avant de voir Twixt, pensez que Francis Ford Coppola a commencé sa carrière avec Dementia 13. Le nouveau film de FF a plus à voir avec ces débuts avec Roger Corman, qu’avec Dracula, son chef-d’oeuvre baroque. C’est que dans Twixt, il est aussi question de vampires, mais pas du tout de la façon ni avec l’ambition avec laquelle il a adapté le roman de Bram Stoker il y a exactement vingt ans maintenant.

Ici, Val Kilmer incarne Hall Baltimore, un écrivain de seconde zone, considéré non sans sarcasme comme le maître ès roman de sorcellerie. Il débarque dans une petite ville paisible pour dédicacer dans une quincaillerie – et non pas une librairie – son dernier ouvrage. La séquence suffit à donner la mesure des intentions d’un cinéaste affranchis de toutes contraintes tant il n’a plus rien à prouver, et qui fait donc ce qu’il veut. Hall Baltimore attend désespérement qu’on vienne à lui et essaie d’attirer les clients qui passent sans s’intéresser une seule seconde à qui il est et ce qu’il fait là. Clairement, Francis Ford Coppola manie l’ironie. Le film dans son ensemble parait même conçu dans un  esprit de parodie.

La petite ville est un endroit qui recèle son lot de mystères et de faits étranges. Le beffroi qui surplombe l’endroit ne possède aucune horloge réglée à la même heure. Et puis surtout, il y a plus d’un siècle, alors qu’il séjournait là, Edgar Allan Poe aurait été témoin du massacre de plusieurs soeurs par leur père. Il se trouve que lorsque Hall arrive à son tour, un nouveau crime vient d’avoir lieu, le meurtre d’une jeune fille. Le shérif du coin (Bruce Dern), amateur à ses heures de littérature frissonnante, convainct Hall d’écrire un livre à partir de ce fait sordide. L’écrivain va commencer à retrouver l’inspiration lorsqu’il rencontre en rêve une mystérieuse adolescente qui pourrait bien être le fantôme de la jeune fille retrouvée tuée avec un pieu enfoncé dans sa poitrine…

Dans ses rêves, Hall va rencontrer également Edgar Allan Poe (Ben Chaplin), ou plutôt son fantôme évidemment. Le récit entier est sous l’influence du poète romantique, auteur notamment du Diable dans le beffroi… Poe s’était consolé de la mort de sa femme en la transformant en fantôme errant au gré de quelques figures telles Annabel Lee ou Madeline Usher. Dans le film, Poe devient le parrain de Hall. Le dialogue entre les deux écrivains nourrit l’inspiration de celui encore vivant. Il s’avère que Hall a subit lui aussi un drame personnel. Les histoires sont donc appelées à ce mêler pour coïncider avec la fin, noeud de toutes les intrigues. La fin, c’est l’obsession de Hall, l’obsession de son éditeur aussi.

Twixt se déroule ainsi en deux temps : celui des rêves, et celui de la réalité. L’univers onirique de Coppola est somptueux, fait de contrastes très marqués, qui lorgnent du côté des comics et rappelle presque le style graphique d’un film comme The Spirit. L’image est quasi monochrome, mais avec des touches de rouges, d’or ou d’un blanc immaculé, des couleurs qui ressortent très nettement. Les scènes dans le monde réel sont à l’opposé, avec une lumière classique, sans effet particulier. Le film est séduisant au moins pour cette raison, ces choix esthétiques très singuliers et qui font donc son originalité. Le script est le prétexte à une somme de clichés dont Coppola s’amuse ostensiblement, dont il se moque, osant même parfois le grotesque mais sans sombrer dans le ridicule (la scène du plateau Ouija, celle des bagues dentaires etc.). Nul doute que Coppola s’est beaucoup amusé à mettre en scène Twixt, qui s’apparente plus à un film d’étudiant sans moyen qu’à une production sérieuse et ambitieuse. On se dit d’ailleurs, en voyant Elle Fanning grimmées excessivement en vampire, qu’on est sans doute pas loin des films que le jeune Charles souhaite réaliser avec elle dans Super 8.

Twixt confirme donc le virage entrepris par Coppola depuis qu’il a décidé de retourner sur les plateaux de cinéma. L’Homme sans âge, Tetro et Twixt ont ceci en commun d’être des oeuvres totalement atypiques, libres, baroques, et quelques peu déconcertantes ; mais ce sillon que creuse  Coppola sans avoir de compte à rendre à personne, en n’obéissant qu’à ses propres envies, il est diablement intéressant. Ce ne sont pas des films autant marquants et impressionnants que les grandes oeuvres que le cinéaste a réalisé il y a maintenant longtemps, mais ce sont des films originaux et singuliers qui, s’ils peuvent laisser perplexe, n’en demeure pas moins fascinant.

Benoît Thevenin

Twixt ***1/2

Sortie française le 11 avril 2012

Lire aussi :

  1. Tetro de Francis Ford Coppola (2009)
  2. Somewhere de Sofia Coppola (2010)
  3. Marie-Antoinette de Sofia Coppola (2006)
  4. Un Homme et son chien de Francis Huster (2009)
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