Sucker Punch de Zack Snyder

De 300 à Ga’Hoole en passant par Watchmen, le goût pour l’épique de Zack Snyder est déjà prouvé sinon éprouvé. Il en remet une couche avec Sucker Punch, et pour notre plus grand plaisir.
Si Sucker Punch est le premier film de Zack Snyder qui n’est ni un remake ni une adaptation, le film compile quand même tout un paquet d’influences qui vont du cinéma de Terry Gilliam à MTV en passant par le jeu vidéo. Reconnaissons à Snyder l’art et la manière de réussir cette improbable mixture.

L’histoire est relativement simple : une jeune fille (Emily Browning) maltraitée par son beau-père depuis la mort de sa maman, est accusée à tord du meurtre de sa jeune soeur. Elle est enfermée dans un hôpital psychiatrique et arrive régulièrement à s’évader de sa condition par ses songes qui la transforme en superhéroïne (un peu dans la lignée du personnage d’Hit Girl dans Kick Ass).

La narration est rendue complexe du fait des trois niveaux de réalités visités le temps du film. Il y a la réalité de l’asile, l’univers du rêve dans lequel l’héroïne, nommée Baby Doll par les autres filles de l’établissement, danse et élabore un plan pour s’évader, et il y a enfin un  troisième niveau de réalité, celui du rêve à l’intérieur du rêve, celui dans lequel Baby Doll se plonge pour réussir ses défis.

Zack Snyder construit son histoire tel un scénario basique de jeu vidéo. L’héroïne est petite, frêle et présumée innocente mais  défie des monstres dix fois plus grand qu’elle. C’est un principe largement éculé depuis Mario contre Bowser. Ici aussi il y a d’ailleurs une sorte de princesse qu’il faudra délivrer du chateau ou elle est emprisonnée. Baby Doll devra franchir quatres mondes, quatre univers dangereux, ou elle et son squad vont dégommer à tout va, avec comme but final à chaque fois, la conquête d’un artéfact. Une fois ces artéfact réunis, l’héroïne pourra prévoir son évasion.

La scène d’ouverture, sous fond de Sweet dreams repris par Emily Browning elle-même, n’est ni plus ni moins qu’un clip introductif. Images ralenties et qui colle exactement à la chanson, ellipses dans la narration, on est dans un cas d’école du clip made in MTV. Au passage, signalons l’excellence de la bande-originale avec des reprises de chansons de Bjork ou des Beatles en passant par Iggy Pop ou Queen. C’est aussi ce qui participe de l’efficacité du film et qui font que l’on bouillone tant face aux scènes d’action à l’écran.

On pense d’abord, que le film va être fondé sur ce principe là d’une musique qui intervient, avec une mise en scène soudain héritée du clip, quand le personnage de Baby Doll est en grande souffrance. Ce constat vaut pour deux scènes (après Sweet Dreams, Where’s my mind), entrecoupées d’une séquence classique qui fait le lien. La suite est un peu différente. La musique va rester une porte d’entrée, mais vers des univers oniriques et apocalyptiques ou, donc, l’héroïne en tenue d’écolière combat des sortes de monstres géants et se fait souffler par des explosions brutales (qui donnent le titre au film).

Cette façon de faire progresser l’intrigue par des immersions répétée dans les rêves rappelle fortement Terry Gilliam, de Brazil à Docteur Parnassus, son dernier en date. La troupe d’artistes aux accents bohèmes, dans Sucker Punch, ne fait que renforcer cette impression d’être là assez peu éloigné du monde de Gilliam, la fantaisie et la folie visionnaire en moins. Zack Snyder propose un autre cinéma, porteur d’une toute autre ambition mais qui est quand même impressionnante.

On retrouve le style du cinéaste, l’image sombre et léchée, la caméra qui tourne à 180° autour des personnages ou des objets, qui à tout le moins s’affranchis de toutes limites gravitationnelles mais dans un soucis constant de lisibilité pour chaque séquence. C’est à la fois décomplexé et brutal, grotesque et burlesque, mais c’est surtout fun et jouissif.

Le film est peut-être typiquement le genre d’objet qui plaira essentiellement aux hommes et pas nécessairement aux femmes. Pourtant, ici les hommes sont tous des porcs immondes et crétins  quand les filles sont belles, courageuses et raisonnées. Sucker Punch célèbre peut-être le Girl power, mais pas à la manière de Tarantino, plutôt selon une logique de macho pure, ou chaque fille, en tenue d’écolière ou en bustier de cabaret,  renvoie à des fantasmes typiques plutôt qu’a des modèles féminins dans lesquels les spectatrices se reconnaîtrons.

Bien sûr que des femmes aimeront le film et prendront leur pied autant que leurs copains ou leurs frères, juste le film nous parait plus imméditament destiné à un public mâle en quête d’adrénaline et d’érotisme soft. En tout cas, le film ne vise a priori qu’a une chose, le plaisir instantané et collectif, sans arrière pensée et selon une folie mégalomaniaque mesurée. Zack Snyder le réussit très bien,  nous concote un cocktail détonant qui nous fait prendre notre pied comme ça ne nous était pas arrivé depuis un bon moment.

Benoît Thevenin

Sucker Punch ****

Sortie française le 30 mars 2011

Lire aussi :

  1. La Horde de Yannick Dahan et Benjamin Rocher (2010)
  2. Sleeping Beauty de Julia Leigh (2011)
  3. Serbis de Brillante Mendoza (2008)
  4. Le Ruban Blanc (Das Weisse Band) de Michael Haneke (2009)
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9 commentaires sur “Sucker Punch de Zack Snyder”

  1. Cine-emotions dit :

    Tu as bien dit éprouve au départ … Snyder fait ce qu’il sait faire, mais n’innove pas. On a bien à faire à un film compile, certes divertissant (et encore, ça peut être contestable), mais on n’a pas le Snyder de 300 !

  2. Angy dit :

    Il est trop bien ce film il gere a mort !!!!!!!!!!!!!! j’ai kiffer

  3. selenie dit :

    Après 3 excellents films on peut dire que zack Snyder trébuche un chouilla… A force de travailler l’esthétisme il en a oublié la cohérence de l’ensemble. Le scénario n’est pas de plus original mais le plus gênant reste la fin d’une facilité assez honteuse (5ème chose = un mystère, celui de laisser une des filles « vivre » pour les autres ?! lol)… Malgré tout trop d’incohérences, une sensation de cacophonie mal gérée laisse un goût d’inachevé. Attention monsieur Snyder le niveau baisse, lentement mais surement… 2/4

  4. Gzav dit :

    Je suis vraiment partagé sur Sucker Punch.
    A tous ceux qui disent qu’il n’y a pas de scénario, je leur répondrais que je ne suis pas d’accord. @Selenie, pour moi, la fin suggère non pas que la 5e chose est « laisser des filles vivre pour les autres » mais bien « le sacrifice de Babydoll » sachant qu’on est dans le délire de Sweety Pea !
    Perso, je me suis bien fait avoir.

    Non, ce qui m’a dérangé, c’est d’avoir été jeté n’importe comment dans les scènes de combat, mais vraiment n’importe comment ! Du coup j’ai complètement décroché en début de film (au point de faire une micro sieste de 2 minutes, c’est pour dire), le temps de reconstruire moi même ce que j’avais raté u_u J’ai l’impression qu’il manque une scène.

  5. selenie dit :

    @Gzav… Je ne vois pas en quoi on est dans le délire de Sweety Pea, j’ai du louper un truc (lol) !

  6. Gzav dit :

    @Selenie tu sais quand à la fin il dit « et là on arrive à la vraie question : de qui on parle ? »
    Là, tu vois le « maître chinois » du début qui conduit le bus.
    Tu recroises l’information avec la première intervention de Sweet Pea, qui disait qu’une babydoll ça allait rien changer à sa pièce.
    Plus au fait que la psychologue (j’ai oublié son nom) a créé le « théatre » pour que les patientes mette en scène leur vie et remette de l’ordre dans leur esprit, Et Paf ! Ca fait des chocapic !
    Je suis formel. Si on demandait à Z. Snyder, c’est ce qu’il dirait !

    Et c’est justement pour ça que je suis mitigé : on me jette cette « vérité » à la figure comme on m’a jeté dans les scènes de combat.

  7. selenie dit :

    Merci pour ta précision… Car effectivement j’étais un peu passé à côté :) … En même temps ça reste pas très clair je trouve.

  8. Claire dit :

    Voici un article qui pourra éclairer certaines personnes qui n’ont définitivement pas compris le film, & qui, du coup, disent « J’aime pas. » http://lestoilesheroiques.blogspot.com/2011/03/sucker-punch-fin-sucker-punch-reve.html
    Personnellement, ce que j’en pense, c’est que:
    les idées sont bonnes, le scénario franchement à la base il est bien, mais c’est mal présenté, pas clair, on dirait que Snyder s’est fait un bon gros tripe de geek en faisant ce film, on a l’impression d’être face à un truc creux qui mise tout sur le graphisme & des filles-fantasmes qui ont l’air toutes innocentes malgré leurs tenues provocantes & ce qu’elles accomplissent durant les missions imaginaires de Sweet Pea. La façon dont c’est foutu, ça fait fade, alors qu’en fait ce qu’il y a derrière c’est pas bête du tout, c’est spécial, assez original, bien trouvé. Dommage. Donc ouais, il y a quand même des points positifs : les idées intéressantes, bien foutues (il a juste pas su les mettre en avant comme il le fallait), le graphisme qui reste quand même étonnant, & les musiques qui en mettent plein la face, aux paroles bien assorties à ce qu’il se passe dans le film.

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