Hors-la-loi de Rachid Bouchareb (2010)


Attendu au tournant après que la polémique ait été lancée par le député UMP Lionel Luca,‭ ‬Hors-la-loi de Rachid Bouchareb est un film qui ne mérite certainement pas tant de haine et de calomnie.‭ ‬Maintenant qu’il a vu le film,‭ ‬Luca crie plus fort encore au scandale…‭ ‬Près de‭ ‬50‭ ‬ans après l’indépendance de l’Algérie,‭ ‬des plaies restent ouvertes,‭ ‬à tel point que les films autour de la présence française en Algérie,‭ ‬la guerre qui a ensanglanté le pays,‭ ‬demeurent rares.‭ ‬La démarche de Bouchareb est quelque part courageuse.‭ ‬Le cinéaste,‭ ‬français d’origine algérienne,‭ ‬qui présente son film sous pavillon algérien,‭ ‬a choisi de panser avec son film les plaies de ceux qui ont lutté pour l’indépendance du pays,‭ ‬et donc contre la France.‭ ‬

Qu’il rende de cette manière hommage au FLN peut certes déranger ceux qui ont combattu en face,‭ ‬mais la vérité n’appartient à aucun camp.‭ ‬En‭ ‬2010,‭ ‬il n’y a pas de raisons que Français et Algériens ne s’entendent pas.‭ ‬En l’occurrence,‭ ‬Bouchareb ne cherche pas à monter les uns contres les autres.‭ ‬Il prend le parti de ceux qui ont contribué à l’indépendance de l’Algérie,‭ ‬en représentant objectivant leurs actions,‭ ‬en montrant le FLN s’organiser selon une logique terroriste plutôt que démocratique,‭ ‬mais il ne juge personne,‭ ‬pas non plus le comportement de la police Française.‭ ‬Certes Bouchareb a choisi son camp,‭ ‬certes la France est l’ennemi dans le film et représenté en tant que tel,‭ ‬mais Hors-la-loi ne triche pas,‭ ‬ne semble pas s’arranger avec les faits historiques établis,‭ ‬ne diabolise personne non plus.‭

Hors-la-loi est la fausse suite d‘Indigènes,‭ ‬lequel avait été couronné à Cannes par un Prix d’interprétation collectif.‭ ‬Le film avait marqué les esprits,‭ ‬soulevé également quelques polémiques, engagé un débat qui n’est pas resté vain puisqu’une loi a été votée pour que les anciens combattants‭ « ‬indigènes‭ » ‬encore vivants soient indemnisés à égale hauteur que les anciens soldats français.‭ ‬Si Hors-la-loi est une fausse suite,‭ ‬c’est parce que plutôt qu’une narration qui se poursuit,‭ ‬Bouchareb a choisit de construire son histoire autour de personnages qui sont déjà connus du grand public.‭ ‬Des cinq lauréats du prix d’interprétation cannois de‭ ‬2006‭ (‬S.‭ ‬Bouajila,‭ ‬D.‭ ‬Debbouze,‭ ‬S.‭ ‬Naceri,‭ ‬R.‭ ‬Zem et B.‭ ‬Blancan‭)‬,‭ ‬seul manque à l’appel Samy Naceri,‭ ‬occupé sur d’autres fronts que les plateaux de cinéma.‭ ‬Chaque personnage se retrouve alors dans un camp ou dans un autre.‭

L’histoire du film est celle du chemin vers l’indépendance de l’Algérie.‭ ‬Le récit commence par le massacre de Setif le‭ ‬8‭ ‬mai‭ ‬1945,‭ ‬considéré en effet comme le moment de rupture définitif entre Français et Algériens.‭ ‬A travers le parcours de ses personnages,‭ ‬Bouchareb reconstitue‭ ‬17‭ ‬ans de lutte pour l’indépendance du pays selon une logique narrative qui emprunte largement au polar,‭ ‬à Melville et au Cercle Rouge surtout,‭ ‬et nous confronte à quelques événements majeurs de cette lutte,‭ ‬des attentats,‭ ‬le groupe armé La Main rouge etc‭)‬.

On ne voit pas ce qui peut faire polémique.‭ ‬Près de‭ ‬50‭ ‬ans après les évènements,‭ ‬on a assez de recul pour savoir que les douleurs,‭ ‬les souffrances,‭ ‬reçues et infligées,‭ ‬l’ont été dans les deux camps.‭ ‬Ni la France ni le FLN n’étaient des enfants de coeurs et ceci n’est pas démenti par le film.‭ ‬La scène-clé,‭ ‬c’est peut-être cette confrontation entre les personnages joués par Sami Bouajila et Bernard Blancan.‭ ‬Le cadre du FLN s’autorise une comparaison entre la situation de la France face à l’Allemagne au moment de l’appel du‭ ‬18‭ ‬juin‭ ‬40‭ ‬lancé par le Général de Gaulle,‭ ‬et celle de l’Algérie face à la France dix ans plus tard.‭ ‬Bien sûr,‭ ‬l’armée française n’était pas l’armée nazie,‭ ‬mais elle s’est bien retrouvée dans une position d’opprimeur qu’il parait difficile de nier.‭ ‬Le seul tort de Bouchareb,‭ ‬c’est d’avoir choisit un point de vue.‭

Comme avec Indigènes,‭ ‬Rachid Bouchareb avait avant tout l’intention de rendre à César ce qui appartenait à César.‭ Le résultat nous parait honnête et intègre,‭ ‬et d’ailleurs,‭ ‬à l’intérieur du Palais des festival quand le film a enfin été montré,‭ ‬la polémique s’est comme évanouie.‭ ‬Evidemment,‭ ‬car le film est en fait sage et relativement consensuel.‭ ‬Hors la loi constitue à la fois un témoignage historique et un film populaire.‭ ‬On l’a dit,‭ ‬on est finalement très proche du Cercle Rouge de Melville.‭ ‬La narration est limpide,‭ ‬bien rythmée et si la réalisation demeure académique,‭ ‬on ne peut pas non plus lui reprocher l’absence de morceaux de bravoure.‭ ‬Au contraire,‭ ‬cela aurait pu aggraver les préjugés sur les intentions du cinéaste alors même qu’in fine on découvre une oeuvre humble et importante dont il n’est absolument pas honteux,‭ ‬et même normal,‭ ‬que le service public ait contribué à son financement.

Benoît Thevenin


Hors la loi – Note pour ce film :

Sortie française le 22 septembre 2010

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  2. Décès du comédien Sotigui Kouyate (1936 – 2010)
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Aucun commentaire sur “Hors-la-loi de Rachid Bouchareb (2010)”

  1. Anna dit :

    Tu es bien indulgent… J’ai trouvé ça lourd, ultra appuyé (toutes les scènes censées être émouvantes sont ruinées par la musique, les gros plans etc.) et en plus assez mal joué. Par contre tu as raison, une fois le film vu la polémique ne peut que disparaître, tellement ça n’a rien à voir avec ce que l’autre imbécile de député UMP en disait. Un film très consensuel, gentil, que personnellement j’oublierai vite!

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