La Rafle de Roselyne Bosch (2010)

Deux films viennent de se succéder à l’affiche des salles françaises qui racontent la seconde guerre mondiale sous un jour inédit au cinéma. Avec Liberté, Tony Gatlif raconte la persécution dont le peuple rom à été la victime pendant cet épisode sombre de l’Histoire. La démarche était autant sincère que nécessaire tant les roms sont des victimes presque snobées par les historiens. Roselyne Bosch raconte elle un fait historique qui appartient à la mémoire collective de la France, qui est raconté dans les manuels d’Histoire à l’école. La Rafle du Vélodrome d’Hiver, si de nombreux témoignages ont été collectés, elle était jusqu’ici invisible, dans le sens où aucune image d’archive n’existe ou n’a été montrée. La sincérité de la démarche de la réalisatrice ne fait pas le moindre doute non plus, sauf que les bons sentiments l’emportent et détournent tous les enjeux présupposés par l’existence de ce film.

L’ex-journaliste livre un scénario très largement documenté, s’est appuyé sur les récits de quelques survivants de cette rafle. Si cet effort est heureux et louable, le fait qu’il ne soit qu’au bénéfice d’une dramatisation excessive et impudique, confine au gâchis. Roselyne Bosch, n’est pas historienne, sans doute pas très proche des faits qu’elle raconte, mais seulement intéressée. C’est là une chose que de s’intéresser à un évènement historique sensible, c’en est une autre de chercher à en comprendre les ressorts, à prendre un recul qui est attendu plus de 60 ans après les faits. Au lieu de ça, Roselyne Bosch caricature l’Histoire avec des personnages qui sont tous des stéréotypes, que ce soit dans sa manière de représenter les personnages historiques (Hitler, Pétain etc.), ou dans sa façon de caractériser des héros et anti-héros typiques, voir schématiques (la famille juive idéale, fière et courageuse, la nationaliste antisémite, le juif communiste etc., la liste est longue).

Roselyne Bosch organise un véritable chantage à l’émotion. Les situations, les rapports entre les personnages, sont mièvres et racoleurs. Roselyne Bosch s’est certes documenté, mais son film n’a qu’une ambition émotionnelle. Il s’agit pour elle d’agiter la corde sensible pour émouvoir. Le film est conçu pour faire pleurer dans les chaumières, et certainement pas dans un objectif de témoignage. Qu’apprend t’on en regardant La Rafle ? Que la France étaient jolie avant la Guerre ? Que les Allemands étaient méchants ? Que des français étaient complaisants et d’autres courageux ? Que les juifs étaient gentils et fiers ? Que des personnes humbles et ordinaires avaient de la compassion pour les opprimés ?

Et quel est l’intérêt par ailleurs ? Roselyne Bosch cherche t’elle à comprendre ce qui a conduit les uns et les autres à se comporter comme ils l’ont fait ? Non, elle préfère verser dans le drame moraliste et manichéen, où il est facile de se prendre de compassion pour les gentils persécutés. Avec La Rafle, Roselyne Bosch raconte l’histoire sans prendre de risque, en l’édulcorant comme il faut pour que rien ne soit compliqué et soit sujet à discussion et réflexion. Elle livre clé en main un film où tout est cadré, où les bons sont bons, les méchants très méchants, et où il n’y a pas de place pour les questions, l’introspection et l’intelligence.
Certes la reconstitution est spectaculaire, d’autant qu’elle est inédite, mais il y a aussi une gêne à considérer La Rafle comme un spectacle. Il y a de la gêne à faire preuve de démagogie, de complaisance, de simplifier l’Histoire, au profit de larmes que l’on nous force à tirer. Le film est détestable pour toutes ces raisons.

La Rafle est un film pour se donner bonne conscience, dont l’intérêt pédagogique est inférieur aux leçons d’Histoire selon Alain Decaux. Rien ne légitime l’idée que ce film soit défendable car il serait nécessaire. Il serait une oeuvre importante s’il était réfléchit et honnête alors qu’il s’agit surtout d’un film calibré. La faute incombe vraiment à Roselyne Bosch, car c’est elle qui se montre coupable de tous ces excès et incompétente dans sa représentation de l’Histoire. La réalisatrice est incapable de mesure et de justesse, quand d’autres, de Spielberg à Benigni dont les démarches ont pu être discutées aussi, ont eux trouvé un équilibre dans leurs révérences à l’Histoire.

Quelques semaines avant La Rafle, Tony Gatlif sortait donc sur les écrans Liberté, et lui aussi à trouvé un équilibre dans son hommage. Son film exploite pourtant quelques ficelles semblables, s’appuie lui aussi sur un casting prestigieux qui donne du poids à chaque personnage. Mais dans Liberté, Tony Gatlif n’insiste jamais lourdement sur chacune de ses intentions, montre des personnages plus complexes qu’ils ne laissent paraître. Son film est beau, plein de vie, digne et bien plus nécessaire que cette Rafle bien pensante et pitoyable.

Benoît Thevenin

PS : Il y a quand même quelque chose de bien dans La Rafle, ou plutôt quelqu’un, un visage nouveau qu’il sera intéressant de revoir. Raphaëlle Agogué fait très bonne impression et arrive à voler la vedette aux vedettes…

Adolf Hitler au cinéma (filmo sélective) :

1940 : Le Dictateur de Charlie Chaplin. Joué par Charlie Chaplin (nom du personnage = Hynkel)
1940 : Train de nuit pour Munich de Carol Reed. Joué par  Billy Russell
1941 : Citizen Kane d’Orson Welles. Joué par Carl Ekberg
1941 : Chasse à l’homme de Fritz Lang. Joué par Carl Ekberg
1942 : Lune de miel mouvementée de Leo McCarey. Joué par Carl Ekberg
1944 : Miracle au village de Preston Sturges. Joué par Bobby Watson
1948 : La Scandaleuse de Berlin de Billy Wilder. Joué par Bobby Watson
1951 : Le Renard du désert de Henry Hathaway. Joué par Luther Adler
1962 : Les Quatre cavaliers de l’apocalypse de Vincente Minelli. Joué par Bobby Watson
1966 : Paris brûle-t-il ? de René Clément. Joué par Billy Frick
1966 : Le roi de coeur de Philippe de Broca. Joué par by Philippe de Broca
1974 : Le Führer en folie de Philippe Clair. Joué par Henri Tisot
1982 : L’as des as de Gérard Oury. Joué par Günter Meisner
1989 : Indiana Jones et la dernière Croisade de Steven Spielberg. Joué par Michael Sheard
2000 : Little Nicky de Steven Brill . Joué par Christopher Carroll
2001 : Grégoire Moulin contre l’humanité d’Artus de Penguern. Joué par Michel Bompoil
2002 : Max de Menno Meyjes.  Joué par Noah Taylor
2004 : La Chute d’Oliver Hirschbiegel. Joué par Bruno Ganz
2007 : Faut que ça danse ! de Noémie Lvosky. Joué par John Arnold
2007 : Mon Führer de Dani Levy. Joué par Helge Schneider
2008 : Walkyrie de Bryan Singer. Joué par David Bamber
2009 : Inglourious Basterds de Quentin Tarantino. Joué par Martin Wuttke
2010 : La Rafle de Roselyne Bosch. Joué par Udo Schenk


La Rafle – Note pour ce film :
Sortie française le 10 mars 2010

Lire aussi :

  1. Décès de l’héroïne de "Lady Bar" Dao Paratee (1981 – 2010)
  2. Slovenian Girl (Slovenka) de Damjan Kozole (2010)
  3. Another Year de Mike Leigh (2010)
  4. Morgen de Marian Crisan (2010)
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Aucun commentaire sur “La Rafle de Roselyne Bosch (2010)”

  1. Foxart dit :

    Je partage tout à fait ton avis même si je te trouve un peu violent dans certains des termes « détestable », « pitoyable », etc…
    Si tout ce que tu dis est vrai et ton analyse très juste, notamment le passage « Qu’apprend-t’on en regardant La rafle », je ne pense pas pour autant que le film soit détestable.
    Par contre je suis totalement conquis par la lecture très opposée de cette période que propose Gatlif et par son film essoufflant de beauté !

  2. Benoît Thevenin dit :

    C’est vrai que les termes sont forts, surtout « détestable », (quoique…).
    « Pitoyable » : dans le sens « enclin à la pitié », qui nous enjoint à la pitié même, ce que le film est tout à fait je crois.

    Liberté, j’essaierai d’en parler quand il sortira en dvd, il mérite vraiment d’être vu et soutenu

  3. selenie dit :

    Enfin quelqu’un qui n’est pas aveuglé par le simple thème de cette histoire dramatique. J’ai mis la même note, tout à fait d’accord avec toi.

  4. vierasouto dit :

    L’enjeu est purement émotionnel, je suis parfaitement d’accord, je n’ai vu qu’un seul plan saisissant, c’est l’arrivée dans le Vel d’Hiv’, cette foule sur les gradins, la réalisatrice aurait dû s’en tenir aux images. Quand je compare au film chinois vu au festival asiatique « City of life and death » (sur le massacre de Nankin par les japonais), je mesure le talent des asiatiques à gommer le pathos, à faire confiance au choc des images, au silence. En voulant tirer les larmes à tout prix, on arrive à l’effet inverse. Pour l’enseignement historique, on aimerait bien en savoir un peu plus sur l’implication de Pétain dans la déportation des enfants, au delà de la caricature et des cabotinages de certains acteurs.

  5. Vickam dit :

    Bonjour,
    Ton point de vue est très intéressant, tes impressions sont communes aux miennes. Il est difficile de trouver des gens qui n’ont pas été aveuglé par l’émotion « fabriquée » du film.
    J’ai commencé à écrire il y a peu donc si tu as le temps, jette un œil à mon billet et dis moi ce que tu en penses, j’apprécierai beaucoup. :) (http://bit.ly/be8lmA)
    A bientôt.

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