Ces messieurs dames (Signore e signori) de Pietro Germi (1966)


Cinéaste peu à peu oublié, Pietro Germi a pourtant été un des auteurs les plus estimés et prisés dans les années 50 et 60, récompensé régulièrement dans les grands festivals internationaux, Berlin, Cannes et Venise. A Cannes, Pietro Germi a présenté sept de ses films et a finit par inscrire son nom au Palmarès, obtenant la Palme d’Or en 66 avec Ces messieurs dames, ex-aequo avec Un Homme et une femme de Claude Lelouch.

C’est justement par l’entremise du Festival de Cannes que Pietro Germi est redécouvert aujourd’hui. En mai 2009, Ces messieurs dames est présenté en copie restaurée dans la section Cannes Classics, accompagné du documentaire de Claudio Bondi, Pietro Germi, le bon, le beau, le méchant.

Comédie exhubérante, Ces messieurs dames conserve plus de quarante ans plus tard tout son potentiel humoristique et satirique. Pietro Germi fait le portrait caustique de la bourgeoisie de province à travers un fabuleux portrait de groupe ou chaque personnage en prend pour son grade. Le cinéaste épingle tous les petits travers des uns et des autres, les mensonges et les hypocrisies qui toutes se valent finalement, pour une étude de moeurs certainement pas morale mais en tout cas dès plus réjouissante.

Ces messieurs dames se compose de trois parties successives. Toni Gasparini confesse à son médecin son impuissance. Au diable le serment d’Hippocrate, le secret est vite raconté à droite à gauche. Sauf que Toni est un coureur de jupon en fait très en forme et qui sera bientôt surpris avec l’épouse un peu cruche du très présomptueux docteur. Bisigato le banquier, qui ne supporte plus la tyrannie de son épouse, convoite lui une jolie serveuse de bar. Les notables de la ville s’accordent ensuite à séduire une jeune fille en profitant de sa naïveté. Le père débarque et va bientôt porter plainte contre eux pour détournement collectif de mineur.

Malgré leurs forfaits, les personnages sont tous attachants. Le vice s’équilibre non pas avec la vertue, qui n’est jamais qu’un leurre, mais avec la punition, qui frappe tôt ou tard en retour de bâton. La punition quand elle survient n’est cependant pas une fin en soi, chacun se compromettant dans les pires bassesses pour chaque fois s’en sortir bon gré mal gré en sauvant les apparences. Le film se révèle à travers son schéma, comme une version drolatique et bordélique de La Dolce vita. Les coucheries succèdent aux fêtes, l’argent coule à flôt, qui semble légitimer la luxure des personnages, leurs caractères volages et/ou amoral, mais la sanction vient régulièrement remettre les choses à plat, même si pour un temps seulement.

Comédie acerbe et enthousiaste, Ces messieurs dames désacralise la plupart des institution à travers les portraits de leurs réprésentants. L’hypocrisie est commune à l’Eglise, à la Justice, à la presse. La seule règle à laquelle tout le monde semble vouloir obéir, c’est celle de la discrétion. La réplique est prononcée dans le film, qui dit en substance, « trompez qui vous voulez, du moment que personne ne le sait… ». Quarante ans après, rien n’a vraiment changé. On pourrait en rester à l’Italie et à ce que renvoie comme image son Cavaliere Silvio Berlusconi, mais on peut aussi se regarder dans la glace car ici nous sommes pareils. La couardise et la frivolité risquent même de ne jamais se démoder. Ces messieurs dames ne risquent alors pas de prendre une ride…

Benoît Thevenin

Bonus : préfacé par l’historien et spécialiste du cinéma italien Jean A. Gili, le film est proposé dans sa version originale, remastérisée et sous-titrée en français.

Sur le DVD figure également le documentaire Pietro Germi, le bon, le beau et le truand de Claudio Bondi, qui avait donc été présenté à Cannes Classics en mai 2009. Le doc. revient sur le parcours de Pietro Germi, de ses débuts à la fin de l’époque néoréaliste du cinéma italien à l’émergence de la Comédie italienne dont Germi a été un des plus grands représentants, en passant par ses confrontations à d’autres genres tel le polar (Meurtre à l’italienne). Le film s’appuie sur de nombreux témoignages, riches d’anecdotes, des proches du cinéaste, ses collaborateurs et quelques uns de ses acteurs dont Virna Lisi et Claudia Cardinale.

  • Cette chronique a été permise par le site Cinétrafic, dans le cadre de l’opération Dvdtrafic.

Ces messieurs dames – Note pour ce film :

Lire aussi :

  1. Final Cut – Mesdames et Messieurs (Final Cut – Hölgyeim és uraim) de György Pálfi (2012)
  2. Cul-de-sac de Roman Polanski (1966)
  3. La Bataille d’Alger (La Battaglio di Algeri) de Gillo Pontecorvo (1966)
  4. Quand l’embryon part braconner (Taiji ga mitsuryosuru toki) de Kôji Wakamatsu (1966)
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Aucun commentaire sur “Ces messieurs dames (Signore e signori) de Pietro Germi (1966)”

  1. J’adore les films italiens en noir et blanc, en particuliers les comédies et les satires de meurs en plusieurs parties!

    Celui-ci me fait penser au « MOSTRI » de DINO RISI. J’ai vu un extrait de Signore e signori: « il marito e la moglie a tavola » où l’épouse force son fainéant de mari à boire son caffè et va se boucher les oreilles pour ne pas entendre la scène qu’elle lui fait !! Excellent.

  2. Paul Napoli dit :

    Le mari est interpreté par Gaston Moschin.

    pour voir un extrait en VO :
    http://comedieitalienne.com/2009/08/27/signore-e-signori

  3. Autre Palme d’or fraîchement restaurée: « Il Gattopardo » de Luchino Visconti avec Alain Delon, Claudia Cardinale et Burt Lancaster. Projeté à l’occasion de la 63ème édition du festival, ce chef d’œuvre est l’adaptation cinématographique du roman de Lampedusa.

    Le film dépeint la période du « Risorgimento » ou de réalisation de l’unité nationale de la manière la plus éblouissante qui soit. Un film immanquable pour qui veut comprendre la formation de l’Italie moderne.

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