Les Fragments d’Antonin de Gabriel Le Bomin (2006)

Les blessures psychologiques, les traumatismes de la première guerre mondiale, c’est à ce sujet là que Gabriel Le Bomin consacre son premier film de cinéma.

Les fragments d’antonin est un film dur et qui témoigne au plus près des horreurs de la guerre. L’écho avec les conflits moderne est palpable et ne donne que plus d’impact à ce film.

La guerre de 14 se fait rare au cinéma. On ne compte guère que Capitaine Conan de Tavernier ou La Chambre des officiers de Dupeyron, voire Les âmes grises d’Angelo aussi) parmi les œuvres qui collent de près à la réalité de ce conflit. D’autres œuvres récentes prennent pour décor les tranchées (Joyeux Noël de Christian Carion,  Un Long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet) mais ces films restent avant tous des divertissements et ne témoignent pas vraiment de la dureté de cette guerre.

Dans Les Fragments d’Antonin, le spectateur doit faire face à la douleur des mourants.  « C’est un Colonel »… « Non c’est un homme qui meurt ». Face à la mort,  il n’y a plus de hiérarchie.

Et pourtant, les cas de consciences existent. Il faut 4h pour sauver un homme. Il sera abandonné car dans le même temps, le médecin  pourra sauver trois soldats. Le calcul est cruel mais peut-il y avoir un autre choix ? La guerre est froide, terrible, implacable.
On pourrait citer d’autres scènes encore. Les soldats qui se saoulent avant de porter l’assaut. Une exécution pour l’exemple devant les futures victimes de cette boucherie, condamnés de fait à mourir.
Devant cette scène, quelque part surréaliste, on se prend à penser aux Sentiers de la Gloire de Kubrick, et à toute l’ironie, toute l’absurdité qui régente les batailles dans ses tranchées.

Gabriel Le Bomin, ne nous épargne en fait pas grand chose des horreurs que l’on a pu lire dans les livres d’histoires à l’école. Mais lorsque l’on assiste à l’empoisonnement d’une tranchée au gaz toxique, on ne peut s’empêcher de penser que ce genre de scènes est rare au cinéma. Il n’y a pourtant aucune complaisance dans le traitement du cinéaste.

Le film est simplement dur mais ce n’est rien en comparaison des fantômes qui auront hanté, comme le personnage d’Antonin, les rescapés de 14-18. Parmi ceux qui ont fait cette guerre, il y avait des personnes, comme cet instituteur qui avant d’être enrôlé dans l’armée, refusait d’accompagner ses cousins à la chasse ; ou ce soldat tunisien qui se bat pour la France dont il rêve et qui est exécuté en remerciement pour un motif abscond. La guerre transforme l’humain. C’est tellement bête à dire et tellement vrais. Dans un corps à corps, un homme va triompher d’un autre, arracher sa médaille et, après avoir vu son nom, se rendre compte que l’ennemi aussi était humain.

Les Fragments d’Antonin est sorti le 8 novembre 2006. Deux jours après, la veille des commémorations du 11 novembre, un des derniers ‘poilus’ disparaissait de ce monde. Il ne reste plus beaucoup de témoins directs de cette époque, et déjà la guerre de 14 n’appartient plus guère qu’aux livres d’histoires. Et c’est bien pour cette raison, aussi, qu’un film comme celui-ci , sensible et inspiré, trouve sa raison d’être.

Benoît Thevenin


Les Fragments d’Antonin – Note pour ce film :

Sortie française 8 novembre 2006

Lire aussi :

  1. La Fête du feu (Chahar shanbeh souri) de Ashgar Farhadi (2006)
  2. La Raison du plus faible de Lucas Belvaux (2006)
  3. Election 1 (Hak Se Wui) / Election 2 (Hak se wui yi wo wai kwai) de Johnnie To (2006)
  4. C.R.A.Z.Y de Jean-Marc Vallée (2006)
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