Alien, le huitième passager (Alien) de Ridley Scott (1979)

Ridley Scott fait ses armes à la BBC avant de réaliser Les Duellistes (1977), pour lequel il remporte le Prix du Jury à Cannes. Le talent de metteur en scène de Scott est manifeste. Assez en tous les cas pour qu’Hollywood ne perde pas de temps à le propulser à la tête d’Alien. 11 million de dollars de budget en 1979, ce n’est pas tout à fait anodin. A ce moment là, la première vague des slashers commence à déferler (les premiers films de Wes Craven, Black Christmas en 74, Halloween en 78…), preuve que le public est demandeur de sensations fortes. Le gore ne s’est pas pour autant démocratisé encore sur grand écran. Avec Alien, Ridley Scott apporte une précieuse contribution.

L’arrivée d’Alien sur les écrans coïncide avec le phénomène naissant de Star Wars (77), lequel donne un nouvel élan au cinéma dans l’espace, la référence demeurant jusqu’alors le 2001 de Kubrick (68). Pour autant, Alien ne propose pas une grande aventure spatiale. L’excellente idée d’Alien est de déplacer la trame d’un très classique survival dans le contexte particulier d’une mission spatiale. L’effet est multiple. Scott dispose de toute la matière pour un  suspens lourd et oppressant. Déjà, les personnages sont fatalement coincés dans un milieu clos d’où il est impossible de s’échapper. La confrontation avec un monde obscure et mystérieux et elle aussi vectrice de toutes les craintes, d’autant que le cinéaste se plait à distiller une ambiance trouble et malsaine.

Nous pouvons distinguer assez clairement deux parties dans Alien. Dans un premier temps, nous nous familiarisons avec l’équipage. Tous sont à égalité, notamment le lieutenant Ripley (Sigourney Weaver), dont on n’ imagine pas instantanément qu’elle puisse être l’héroïne. Ridley Scott a volontairement choisi d’éviter de caster des acteurs inconnus ou méconnus plutôt que des stars confirmées, ce qui lui permet de brouiller les pistes. En l’occurrence, et même si ce n’est plus un secret pour personne aujourd’hui – y compris pour ceux qui n’ont jamais vu Alien -, il n’est pas évident en 79 qu’Ellen Ripley puisse devenir la seule survivante…
La première partie ménage un climat assez tendu, notamment via le personnage d’Ash (Ian Holm), dont les intentions sont difficiles à cerner.

La scène clé est celle du repas au cours duquel la créature jaillit des tripes de Kane (John Hurt). Cette séquence résume plutôt bien le film, d’abord anodine et tranquille, mais qui est soudainement et violemment perturbée par la révélation de la présence à bord d’un hostile huitième passager. Ce schéma est d’abord produit à cette moindre échelle (la séquence du repas donc, pendant laquelle nous sommes véritablement saisit), mais est ensuite développé à l’échelle du film entier.

Le second acte du film nous confronte plus directement à l’horreur. L’esthétique évolue. A l’image blanche immaculée se substitue des couloirs sombres et mal éclairés. L’ambiance aussi change. La tension subtile est remplacée par un affrontement  physique, mais ou la notion d’instinct est toujours essentielle (d’où la place laissée au chat).

Ridley Scott mise sur différentes craintes : la claustrophobie, la peur du noir, la paranoïa et cette notion d’ennemi invisible, ou encore les peurs liées à la maternité (l’ordinateur de bord est d’ailleurs appelé Maman), se mêlent à des sensations physiques d’écoeurement avec la confrontation avec l’Alien.

La repoussante créature est crée par Ruedi Hans Giger, qui recevra l’Oscar des meilleurs effets-spéciaux pour son travail sur le film. Si l’Alien est effectivement impressionnant et s’impose d’emblée comme l’un des plus fabuleux monstres de l’histoire du cinéma, difficile aujourd’hui de s’émouvoir de son animation. L’Alien est imposant mais lourd, ce qui confère une impression kitsh qui ne nuit pas au film mais nous renvoie quand même en pleine figure le fait qu’il date tout de même de 79. L’évolution technique constatée avec Aliens, le retour (86) achève ce sentiment de désuétude. Cela dit, Alien demeure un film qui a très bien vieillit, entre autre parce qu’il conserve intact son pouvoir de fascination et de frisson.

Benoît Thevenin


Alien, le huitième passager – Note pour ce film :
Sortie française le 12 septembre 1979

Lire aussi :

  1. Hannibal de Ridley Scott (2001)
  2. Gladiator de Ridley Scott (2000)
  3. L’Amour en fuite de François Truffaut (1979)
  4. Décès du comédien Jocelyn Quivrin (1979 – 2009)
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2 commentaires sur “Alien, le huitième passager (Alien) de Ridley Scott (1979)”

  1. Internet dit :

    Quel Bonheur! J’ai passe un tres bon moment et une chouette lecture sur votre site internet. au plaisir de relire. ++

  2. Xix dit :

    Un autre aspect à souligner dans Alien, plaisant je trouve et relativement neuf pour le cinéma SF, c’est le côté désillusionné par rapport au « futurisme ». Par rapport à un 2001 où l’univers est aseptisé, moderne, cotonneux, silencieux, pur… Ici pas d’esbrouffe, pas de portes automatiques qui s’ouvrent en faisant pschhh mais plutôt du vieux matos, sans design, qui fonctionne mal ou pas, de la fumée et du camboui… On retrouve cette esthétique « rétro-futuriste » dans tous les « Alien », mais le 1 va plus loin que le détail esthétique : ici les personnages, les hommes de l’espace sont pas capitaine ou ingénieur mais sont quasiment de pauvres manutentionnaires de l’espace. J’aime notamment la scène au début où l’équipage s’engueule sur de banales histoires de primes ou de salaire. On est dans l’espace, on commence à flipper, et eux ce sont juste des gens qui sont au boulot, qui gagnent leur pain…

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