L’Affaire Farewell de Christian Carion (2009)

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Avant la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 1989, il a bien fallu que les espions des différents blocs se mettent en branle. Christian Carion, jusqu’alors peu estimé par ici pour ses mièvreries (surtout l’insupportable Une Hirondelle a fait le printemps), s’attaque cette fois frontalement à un épisode historique, avec un soucis d’authenticité plus affirmé que dans son précédent film. Joyeux Noël a plus l’allure d’une fable que d’une leçon d’histoire.

Pour autant, L’Affaire Farewell n’est pas non plus un film didactique. Le fait historique est le prétexte à un classique film d’espionnage. Le genre est à la mode en France ces derniers temps et nos cinéastes s’en tirent plus qu’honorablement, au moins pour ce qui concerne Frédéric Schoendoerffer (Agents Secrets), Philippe Haïm (Secret Défense) et surtoutt Nicolas Saada, auteur de l’excellent Espion(s). On note alors une drôle de coïncidence : Espion(s) et l’Affaire Farewell se partagent la même vedette.

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Dans l’un et l’autre film, Guillaume Canet incarne d’ailleurs le même type de personnage d’homme lambda impliqué malgré lui dans des jeux de dupes qu’il ne maîtrise pas. Les deux films ne fonctionnent pas pour autant de la même manière. La différence principale réside dans le traitement des deux histoires. Nicolas Saada réussi un pur film de cinéaste, véritable révérence au cinéma d’espionnage d’Alfred Hitchcock, et ou chaque plan est composé, soigné, dans un but précis. Le travail de Christian Carion n’est pas autant sophistiqué, sans être inintéressant pour autant. Au contraire, il réussit un film rigoureux et tout à fait honnête.

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A l’instar de ses collègues, Christian Carion opte pour un cinéma d’espionnage discret, réaliste, et donc en contradiction avec la tradition spectaculaire à Hollywood pour ce genre de film. Il n’empêche que L’Affaire Farewell est plutôt bien mené, est porté par un rythme soutenu et qui ne lâche jamais son emprise sur le spectateur. La confrontation entre Guillaume Canet et Emir Kusturica (dirigé pour la seconde fois par un réalisateur français après La Veuve de Saint-Pierre de Patrice Leconte) fonctionne parfaitement et nourrit la richesse d’un film bien documenté et qui captive autant pour ce qu’il révèle au grand public des faces cachées de l’exercice du pouvoir en pareil contexte, que du strict point de vue narratif et de notre attachement aux personnages.

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Christian Carion ne construit effectivement pas son film qu’autour de ses personnages principaux, ses espions de l’ombre dont le monde se désintéresse puisque par la force des choses, ils sont sensés se mêler à la population sans éveiller les soupçons sur leur double activité. Cet aspect là du film est d’ailleurs bien traité, via les crises conjugales qui finissent par se dessiner et qui permettent d’illustrer sans réelle fausse note les difficiles choix moraux imposés aux personnages. Au-delà de leurs trajectoires personnelles, donc, les enjeux sont colossaux. C’est pour cette raison que Christian Carion infiltre sa caméra jusque dans le bureaux élyséen du Président de la République français, mais aussi jusque dans le Bureau ovale du Président américain. On peut saluer à ce propos le remarquable travail de reconstitution effectué. Philippe Magnan incarne un Mitterand plus que crédible, Fred Ward – même si moins convaincant  – n’est pas si mal non plus en Reagan.

Cela dit, on peut supposer que Carion s’est accomodé de la réalité des évènements tels qu’ils se sont produit, mais au bénéfice de la narration et de l’efficacité du récit. L’Affaire Farewell est un film captivant, qui nous maintient en haleine tout le long, et est réalisé avec grand sérieux. Peut-être manque t’il un petit peu de souffle, sans doute même, mais on ne fait pas la fine bouche. L’Affaire Farewell est un film ambitieux et réussi.

Benoît Thevenin

Filmographie de Christian Carion :

2001 : Une Hirondelle a fait le printemps
2005 : Joyeux Noël
2009 : L’Affaire Farewell


L’Affaire Farewell – Note pour ce film :
Réalisé par Christian Carion
Avec Guillaume Canet, Emir Kusturica, Alexandra Maria Lara, Niels Arestrup, Philippe Magnan, Fred Ward, Willem Dafoe, Dina Korzun, Ingeborga Dapkunaite, Oleksii Gorbunov, David Soul, …
Année de production : 2008
Sortie française le 23 septembre 2009

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