The Box de Richard Kelly

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Ce n’est pas avec The Box que Richard Kelly finira de diviser son audience. Favoriser à ce point le débat, c’est un signe qui ne trompe pas, qui démontre s’il le faut que le cas Richard Kelly ne peut être expédié aux affaires courantes et qu’il est nécessaire de se pencher sur son cas. On reste sur ce regret dont il est difficile aujourd’hui encore de mesurer véritablement l’enjeu. Southland Tale, grand film malade, est porteur d’un désir et d’une ambition de cinéma (spectacle) rarissime. La projection cannoise en 2006, pour le concours à la Palme d’Or, a tant refroidit les festivaliers que le film est repartit illico en salle de montage. En France, nous n’avons finalement eu droit qu’a une sortie directe en DVD, dans une version dont on ignore toujours si elle est telle que Richard Kelly souhaite véritablement que l’on découvre son film.

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Il y a dans The Box, tout ce qui caractérise déjà ses deux premiers films. Le cinéaste présente The Box comme son travail le plus personnel à ce jour et effectivement, on commence à la lumière de ce qu’il a fait précédemment (Donnie Darko et Southland Tale) à définir très exactement ce que sont les obsessions de Kelly.

Le film prend comme point de départ une très courte nouvelle de Richard Matheson, écrivain fantastique culte, auteur notamment de deux très grands classiques, Je suis une légende et L’Homme qui rétrécit. Le Jeu du bouton est un court-récit d’une demi-douzaine de pages seulement, lequel a déjà inspiré un épisode de The New Twilight Zone, une adaptation très littérale en fait.

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La nouvelle de Matheson est en tout point captivante et constitue seulement le préambule de l’histoire contée par Richard Kelly. Le cinéaste à choisi de prolonger le récit de Matheson, de lui offrir de nouvelles perspectives que l’on a déjà vu dessinées dans Donnie Darko et Southland Tale. Pour ce faire, Kelly apporte quelques petites différences par rapport au texte de Matheson, qui nourriront le développement de l’intrigue, car sinon, il est très fidèle lui aussi au récit de Matheson.

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Cameron Diaz incarne une mère de famille infirme par l’un de ses pieds, épouse d’un ingénieur de la Nasa (James Marsden) qui rêve d’un prochain voyage dans l’espace. Ils sont les parents d’un petit garçon et éprouve quelques difficultés financières…  Un matin, madame Lewis réceptionne une boîte devant sa porte. On l’a prévient qu’un visiteur viendra la voir quelques heures plus tard pour lui parler de cette boîte. Lorsque ce dernier  se manifeste, Norma Lewis se retrouve nez à nez avec un homme courtois mais effrayant (Franck Langella), a qui il lui manque une partie de son visage… Cet étrange monsieur va lui adresser une proposition tout autant curieuse : la boîte contient un bouton. Si avec son mari elle décide de presser le bouton, quelqu’un dans le monde qu’elle ne connaît pas rencontrera immédiatement la mort mais ils percevront un million de Dollars. S’ils ne pressent pas le bouton, il ne se passera rien, il ne gagneront pas d’argent, la boîte sera seulement adressée à une autre personne… qu’ils ne connaissent pas.

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Le mystère du film ne réside pas dans ce dilemme. Comme dans la nouvelle de Matheson, madame  Lewis appuie sur le bouton et quelque part quelqu’un meurt effectivement. A ce moment là, on arrive au bout d’une première demi-heure assez ébouriffante. Les ficelles sont semble t’il très grossières mais Richard Kelly est un cinéaste malin. La façon dont il installe l’intrigue, distille une ambiance trouble et déjà aux limites de la paranoïa est assez impressionnante.

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Une fois le bouton enfoncé, d’irrémédiables conséquences vont avoir lieu et c’est là que le film bascule. C’est à partir de là que Richard Kelly introduit quelques idées déjà perçues dans ses autres films et notamment cette notion de fin du monde. Mais Kelly va bien au-delà. A l’instar de Southland Tale, il pose une réflexion très ambitieuse sur l’humanité et la nature de l’homme.  En cela, il se différencie assez radicalement de Shyamalan, cinéaste auquel on pense immédiatement en regardant The Box, par un style très similaire et une mécanique scénaristique relativement semblable. Ce film là doit même beaucoup intéresser le réalisateur de Phénomènes. Ca nous permet de mesurer l’énorme décalage entre le talent de l’un et celui de l’autre, la balance penchant largement en la faveur de Richard Kelly.

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Là n’est pas le débat, mais on pense effectivement beaucoup à Shyamalan, et à Phénomènes justement (cf. la scène de la bibliothèque par exemple). A la démarche creuse de ce dernier, Richard Kelly instruit lui une véritable réflexion philosophique, voir même métaphysique. C’est là que Richard Kelly risque de laisser perplexe une bonne partie de ses spectateurs. Le scénario emprunte des voies assez étranges, sinon farfelues, qui renvoient à des mythes urbains classiques du XXe siècle. Le récit gagne incontestablement en densité, quitte à perdre peut-être le public. Un peu comme avec Southland Tale, à une échelle moindre quand même, l’histoire s’engage dans plusieurs directions dont on a du mal à percevoir qu’elles nous mènent à un même but. La profondeur du propos n’est pas à remettre en cause pour autant. Richard Kelly n’évoque pas seulement le libre-arbitre, la cupidité mais aussi des notions comme le respect de la différence, le poids de la culpabilité, la capacité de l’humanité à préserver la planète (on pense un peu au Jour où la Terre s’arrêta…) etc. Tous ces aspects se percutent dans une sorte de maelström dont on retient sans doute ce que l’on veut. Le film est globalement très complexe mais contient assez d’idées pour toucher personnellement chaque spectateur d’une manière différente.

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La conclusion laisse tout de même une impression extrêmement dérangeante. Quelque chose coince dans la façon dont Richard Kelly résout son intrigue. Il y a une gêne, une impression d’inconfort, qui vient du choix ultime opéré par les personnages principaux et qui ne nous satisfait pas vraiment. Mais là encore, tout est très complexe, et la perception forcément très personnelle au spectateur puisqu’elle engage un choix difficile que chacun peut choisir de prendre à son compte ou pas.

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Le film fera beaucoup de sceptiques, c’est sûr, mais l’ampleur de The Box, bien qu’elle puisse déconcerter, est surtout fascinante, et absolument pas neutre. La projection continue de nous hanter bien longtemps après que les lumières se soient rallumées, des questions refont surface. Pour autant, on n’a pas encore le sentiment que Richard Kelly ait réussit le très grand film qu’il semble ambitionner de vouloir réaliser. Ce n’est pas grave, il donne à chaque fois un peu plus de gages quant à ses capacités à y  arriver un jour. On est plus que jamais dans l’attente de sa prochaine folle fabulation…

Benoît Thevenin


The Box – Note pour ce film :
Sortie française le 4 novembre 2009

Lire aussi :

  1. L’Immortel de Richard Berry (2010)
  2. Un Pont trop loin (A Bridge too far) de Richard Attenborough (1977)
  3. Good Morning England (The Boat that rocked) de Richard Curtis (2009)
  4. Cul-de-sac de Roman Polanski (1966)
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Aucun commentaire sur “The Box de Richard Kelly”

  1. Foxart dit :

    J’ai vu tes 3 étoiles mais je ne lis pas ta critique, je veux rester vierge sur ce coup là.
    Trop d’attente sur ce film là.
    Qui ne semble pas faire l’unanimité…

  2. pL dit :

    J’ai beaucoup aimé également (même note), notamment pour la tournure que prend le film après la première demi-heure, très traditionnelle mais néanmoins efficace.
    C’est vrai que c’est un film très complexe, dans lequel on retrouve les préoccupations de Richard Kelly (fin du monde, confrontation du réel et de l’imaginaire…).

  3. selenie dit :

    Un film un poil surestimé par la plupart apparemment vraiment aveuglé par un scénario touffu et plein d’intérêt mais qui n’en demeure pas moins très flou et difficilement compréhensible par moment avec des « trous » ou omission comme par exemple comment, pourquoi, quand est-ce que Diaz a-t-elle pu revenir avec son mari après son enlèvement ?! De plus le fait que des faits « bizarre » se produisent sous l’influence des extraterrestres pour notre plus grands bien faits n’est pas neuf..

  4. zirko dit :

    J’ai lu ta critique en diagonale par peur des spoiler mais ta note fait vraiment envie.

    Le scénario a l’air sacrément interessant et je pense que le film regorge de surprise.

  5. MaG dit :

    pour moi dans les jours à venir, ça sera The Box et Away We Go

  6. Foxart dit :

    Vu ce week end et beaucoup aimé…
    C’est vraiment un film… bizarre dans sa structure narrative autant que dans sa mise en scène…
    Même l’interprétation (passionnante) des trois acteurs principaux est étrange…

    Et alors pour le coup ma lecture du film est totalement divergeante de Sélénie…
    Quels extra-terrestres ???!

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