Les Trois Lumières (Der müde Tod) de Fritz Lang

Les Trois Lumières (1921), l’un des premiers films de Fritz Lang, mélange romantisme et expressionnisme en même temps qu’il annonce toute la carrière à venir du cinéaste. Le plus simple et caricaturale est de comparer ces trois lumières aux trois grandes étapes de la carrière du génie allemand. Ainsi, après un début de carrière en Allemagne, il s’exil en France à l’arrivée d’Hitler au pouvoir puis part pour Hollywood n’arrivant pas à s’adapter au système de production français pour lequel il n’a réalisé que Liliom en 34.

Mais le contenu même des Trois Lumières éclaire bien mieux les obsessions de Lang et annonce d’une certaine manière ces chefs d’œuvres suivants. Les Trois Lumières n’en est pas moins lui-même une pure merveille.

Un couple et un étranger arrive tous trois dans « Une ville perdue dans le passé ». L’étranger est en fait La Mort. La  jeune femme pactise avec lui  pour qu’elle lui rende l’amant qu’il lui a pris. Le scénario est ainsi prétexte à un récit tout en allégories et d’une beauté rare.

Le traitement formel annonce son Metropolis même si, d’une certaine manière, Lang parodie l’expressionnisme le plus typique ; celui du Cabinet du docteur Caligari entre autres. Lang joue avec les ombres, les décors sont distordus, et installe un certain sentiment d’angoisse. C’est en cela que l’on peut parler d’expressionnisme. Lang le réfutait à propos de ce film…

La jeune femme, pour retrouver son amant, doit sauver la vie de trois condamnés. Elle voyage ainsi dans le temps avec l’obligation de les sauver. Bagdad, au XIXème siècle. Un infidèle tombe amoureux d’elle – elle est dans la peau de la soeur du Calife – Le jardinier (La Mort) assassine l’homme sans qu’elle ne puisse rien faire.

Lang nous transporte ensuite successivement à Venise, au XVIIè, pendant le Carnaval, puis en Chine, à la cour de l’Empereur. A chaque fois l’histoire se répète dans sa conclusion.

Ces voyages sont autant d’intrigues policières, un genre qu’affectionne particulièrement Lang. Il a écrit de nombreux scénarii avant de devenir réalisateur et signera des films aussi important que la série des Docteur Mabuse, Les bourreaux meurent aussi, M. le maudit et Règlement de Comptes.

Mais avant de devenir cinéaste, Lang à aussi écrit des scénarii d’un autre genre racontant des aventures historique et exotiques, notamment pour Joe May. Ainsi, Les Trois Lumières annonce aussi des films comme Le titre du Bengale et Le Tombeau Hindou.

Les Trois Lumières est donc un film doublement intéressant. Il y a d’abord une exceptionnelle maîtrise formelle mais toutes les allégories et métaphores qui ponctuent le film lui confère également lyrisme et charme. Les trois voyages dans le passé apportent aussi une certaine fantaisie. Mais au-delà, Les Trois Lumières semble marquer la voie que le cinéaste a par la suite emprunté.

Les Trois Lumières est beau, lumineux et sombre ; un poème crépusculaire typiquement romantique. Lang était alors un jeune réalisateur mais il était déjà grand.

Benoît Thevenin


Les Trois Lumières – Note pour ce film :

Année de production : 1921


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