La construction du barrage des Trois Gorges, achevée en 2012, a eu pour conséquence des déplacements de populations à grande échelle et la destruction de villages entiers. On se souvient que, dès 2006, Jia Zhang-ke nous racontait avec une extraordinaire subtilité la métamorphose de la Chine ancienne vers la modernité dans son chef d’oeuvre Still Life (Lion d’or à Venise 2006). Pour son premier long-métrage, Yao Tian illustre à son tour la violence du changement imposé à la population des montagnes dans la province du Hubei, et ses conséquences injustes et inattendues pour certaines familles.
Les habitants des villages situés à 800m au dessus du niveau de la mer sont sommés par le gouvernement local de descendre dans la ville sise plus bas, à 500m d’altitude. La plupart des familles prennent les chemins, d’autant plus que les incitations paraissent séduisantes (un logement moderne garanti dans la ville, une place à l’école pour l’enfant etc.). Pour Hong Fen, il s’agit d’une véritable opportunité. Sa fille de 8 ans va pouvoir être scolarisée. La jeune femme, enceinte de son deuxième enfant, se heurte cependant à l’opposition de son beau-père, vieil homme décidé à finir ses jours là où il avait été forcé de s’installer dans sa jeunesse. Yao Tian aborde dans un premier temps cette problématique là, la violence des grands projets collectifs sur les individus, comment les plus vieux paysans, épuisés par une vie faite de sacrifices, n’ont plus la force de suivre encore les grandes volontés imposées par le pouvoir communiste.
Hong Fen est jeune, pleine d’espoir pour sa famille, d’autant qu’elle est enceinte et imagine une vie meilleure pour ses enfants. La politique de l’enfant unique autorise en effet les couples vivant dans les régions peu peuplées à plus de 800m d’altitude à avoir un second enfant. Ce qu’elle ne sait pas encore, c’est que cette autorisation sera considérée caduque dès lors qu’elle sera installée dans la ville culminant à 500m. Le comité du Planning familial local se montre impitoyable avec elle, se refusant à considérer la singularité de son cas.
A travers le combat de Hong Fen, Yao Tian rend compte des extraordinaires contradictions des grandes lois chinoises, de la négation de l’individu face à la communauté, de l’asservissement des êtres, chacun sous le joug d’un pouvoir supérieur duquel on ne s’émancipe pas.
500M 800M, par ailleurs mis en scène avec soin et délicatesse dans les impressionnants paysages montagneux de la province du Hubei, donne une idée de l’impitoyable machine à broyer les petites gens établie par le régime communiste chinois dans tout ce qu’il a de tentaculaire. Et ce n’est pas la moindre des forces de ce film qui, comme souvent au cinéma, se range du côté des individus, du côté des plus faibles qui se retrouvent écrasés par des lois qui les dépassent. La politique de l’enfant unique a été imposée aux chinois pendant 35 ans. Cette loi a cependant été assouplie en 2015. Les couples ont désormais le droit d’avoir deux enfants.
B.T
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