Loving de Jeff Nichols (2016)

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1958, Etat de Virginie. Un homme et une femme tendrement enlacés dans un lit étroit. Au coeur de la nuit, la police les réveille et les embarque. Elle montre leur certificat de mariage prouvant leur union, mais cela n’y change rien. Elle est noire, il est blanc, et l’Etat de Virginie dans lequel ils vivent ne reconnait pas les mariages dits interraciaux.

Basé sur la vraie histoire du couple Mildred et Richard Loving, le film raconte un épisode du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis. A la différence d’Ava Duvernay, réalisatrice en 2014 de Selma (sur la marche de Selma à Montgomery en 1964), Jeff Nichols ne s’intéresse pas à proprement parler à l’affaire et au combat juridique menés par les époux. Il livre au contraire le portrait intime d’un couple ordinaire, jugé coupable de s’aimer, et qui en se portant devant les tribunaux, n’espère qu’une chose, revenir sur la terre qu’ils ont élu pour construire leur vie.

Le film n’a donc rien de la démonstration lénifiante, avec une caméra qui ne s’immisce jamais complètement dans les coulisses des tribunaux. Le cinéaste  concentre son regard bienveillant sur ses personnages, capte avec douceur leur innocence et leur pudeur face aux représentant légaux, et filme la tranquillité de leurs rapports, continuant ainsi à explorer ce qui est plus que jamais la thématique centrale de toute son oeuvre jusqu’alors – la cellule familiale – mais par une facette nouvelle pour lui.

La cause des droits civiques échappe aux époux Loving. Leurs intentions sont beaucoup plus simples et personnelles, même si la perspective de  se porter devant le Congrès va leur faire prendre conscience de la dimension historique de l’affaire les opposant à l’Etat de Virginie. La force du film tient justement dans cette apparente contradiction. Le couple Loving reste fondamentalement soudé. Ils vivent simplement, dans l’attention qu’ils se portent réciproquement, et s’inscrivent dans un registre lent, celui des procédure judiciaires qui n’affectent en rien ni leur moral, ni la solidité de leur amour. Cette relative passivité se retrouve dans le caractère même des deux amoureux. Mildred est une jeune femme douce et souriante, Richard est lui plus introverti et taiseux mais toujours attentionné vis à vis de son épouse. Ils partagent une certaine timidité qui contraste avec les postures et les stratégies des avocats, autant qu’avec le tumulte résultant de l’enjeu les dépassant.

Toute l’émotion du film tient dans cet amour qu’a Jeff Nichols pour ses personnages. La mise en scène, discrète et, élégante, s’attache à respecter la pudeur des personnages et à rester à distance des évènements spectaculaires. Le  cinéaste préfère observer les réactions plutôt que construire une véritable tension dramatique. Cette délicatesse qui est la première qualité du film, c’est ce qui en fait toute sa beauté et toute sa singularité. A l’instruction du dossier, Jeff Nichols privilégie l’humain. C’est là le signe d’un cinéaste particulièrement précieux.

Benoît Thevenin

Lire aussi :

  1. Shotgun Stories de Jeff Nichols (2007)
  2. Take Shelter de Jeff Nichols (2011)
  3. Mud de Jeff Nichols (2012)
  4. Ma’Rosa de Brillante Mendoza (2016)
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