Abraham Lincoln : Chasseur de Vampires (Abraham Lincoln: Vampire Hunter) de Timur Bekmambetov (2012)

Timur Bekmamabetov est un réalisateur au talent spécifique. Ses premiers films russes, Day Watch et Night Watch contenaient déjà tous les attributs de ce qui allait faire son cinéma. Sous couvert d’un récit ambitieux piochant allégrement chez Tolkien et Star Wars, les films ne valaient que pour certains de leurs plans et de leurs scènes. Le réalisateur russe a cette capacité à créer une scène concept ou un plan numérique original (comme par exemple ce plan dans Night Watch où l’on suit le boulon d’un avion en vol se détacher de l’aile, tomber, passer par la ventilation d’un immeuble pour finir dans la tasse de café d’une locataire). Ce talent tout publicitaire fonctionne à divers niveaux. Il peut paraître purement ostentatoire et inutile masquant bien mal les faiblesses du script où des autres domaines de la mise-en-scène – et il l’est le plus souvent – ou bien cela peut s’avérer très amusant et au final plutôt inspiré, ce  qui était le cas avec son premier film américain, Wanted, écrin idéal pour ses délires visuels. Adaptation d’un comic, le film lui laissait le champ totalement libre pour créer des scènes d’action improbables et ultra spectaculaires où il utilisait intelligemment les effets numériques pour créer des plans « jamais vu ». Le tout dans un esprit décontracté et réjouissant.

On attendait donc avec une impatience puérile son prochain film. Il s’est attelé à une nouvelle adaptation, d’un roman cette fois, écrit par Seth Grahame-Smith, Abraham Lincoln : Vampire Hunter. Le titre laisse présager un bon gros délire visuel steampunk, plein de second degré et d’humour : Abraham Lincoln qui chasse des vampires, ça ne peut pas être sérieux… Alors… Pourquoi pas ?

La déception est, pour tout dire, totale. Ne serait-ce que d’un point de vue formel déjà, le film est très raté et surtout bien peu inspiré. Que ce soit au niveau des costumes, des décors et des accessoires, tout est d’une banalité confondante. A part l’arme principale de Abe pour chasser les vampires (une hache en argent avec pistolet intégré) l’élément steampunk est tout bonnement absent du film, qui essaie de manière bien ridicule à ancrer le film dans une réalisté historique.

Ce qui nous amène à cette scorie, absolument rédhibitoire, c’est le ton sérieux du film. On est censé croire, ressentir de l’émotion pour les personnages, s’intéresser à cette histoire de vengeance on ne peut plus éculée. Il n’y a aucune distance, aucun second degré et aucun humour. Alors qu’on pensait s’amuser en rentrant dans la salle, on comprend très vite qu’on va s’ennuyer ferme. D’autant que cette volonté de jouer la carte « réaliste » est d’un ridicule achevé dès qu’il va s’agir d’entremêler la carrière politique de Lincoln et son côté chasseur de vampires.  Quand en plus le film se targue d’une morale patriotique limite nauséabonde, on n’est pas loin de la catastrophe absolue (d’autant que le film est réalisé par un Russe, fraîchement immigré, d’où un certain sentiment d’opportunisme).

Restent deux scènes d’action originales et correctement emballées qui nous rappellent que Bekmambetov a un talent visuel indéniable. Il lui suffit juste de tomber sur un projet ambitieux, bien écrit et prêt à accueillir ses délires de scènes d’action « bourrines » peu réalistes. On le voit bien aux manettes d’un film Marvel par exemple. On se demande quand même ce qui a bien pu l’attirer dans ce projet bancal et franchement sans aucun intérêt. D’ailleurs le public ne s’y est pas trompé le film a fait un bide aux Etats-Unis et on est prêt à parier qu’il en sera de même ici.

Grégory Audermatte

Abraham Lincoln : Chasseur de vampires 1/2

Sortie française le 8 août 2012

Lire aussi :

  1. Le Bal des vampires (The Fearless Vampire Killers) de Roman Polanski (1967)
  2. Blanche-Neige et le chasseur (Snow white and the Huntsman) de Rupert Sanders (2012)
  3. Lesbian Vampire Killers de Phil Claydon (2009)
  4. [The Hunter] Interview avec le réalisateur Rafi Pitts
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