Derrière la colline, premier long-métrage d’Emin Alper, est un film qui échappe volontairement à toutes sortes de repères. Hors du temps, hors du monde, il met en scène un groupe de personnages confrontés à une menace qui restera toujours invisible.
Emin Alper refuse aussi toute symbolique. Derrière la colline est un film âpre, entièrement construit sur des oppositions de caractères. Le personnage central est un fermier solitaire. Son fils et ses petits-enfants viennent lui rendre visite et il ne perd pas de temps à les avertir de la menace de nomades qui semblent se trouver juste derrière la colline devant eux. Un contentieux entre voisins semble pourrir leurs relations.
Emin Alper est avare en indice. Il laisse les personnages livrés à eux même et une tension s’impose rapidement. A la paranoïa du fermier s’ajoute l’irresponsabilité de ses petits fils. L’un est à peu près fou, l’autre complètement stupide. Leur confier des armes, c’est jouer avec le feu… Pendant ce temps là, des pierres tombent, des ombres rodent, des coups de fusils sifflent qui semble justifier la menace. La qualité du film réside dans son aspect insaisissable. Emin Alper entretient le mystère, la violence est sans cesse au bord de l’explosion, et quelque chose de l’ordre de la fantasmagorie pure ajoutent encore à l’irrationnel et à la dangerosité de l’ensemble.
Cette façon de distiller l’angoisse et d’orienter le récit est à double tranchant. Soit l’on se laisse contaminer par la paranoïa ambiante, soit l’on reste hermétique aux actions des personnages. Emin Alper n’offrira jamais de réponse. Son film sonde l’intériorité de chacun, interroge notre rapport à l’autre et aux préjugés, et nous laisse à nos doutes. La fin de Derrière la colline ressemble – toute proportions gardées – à une séquence de la Guerre des mondes de Spielberg. Derrière cette colline, tous les fantasmes sont possibles.
Benoît Thevenin
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