The Raid (Serbuan maut) de Gareth Evans (2011)

Présenté à Toronto puis à Deauville Asie, The Raid nous arrive précédé d’une rumeur plus que flatteuse où les quelques happy few qui l’ont vu avant tout le monde n’hésitent pas à parler du meilleur film d’action depuis des années. Alors forcément ça titille la curiosité de n’importe quel cinéphile, d’autant que le film d’action, et plus précisément le film d’action asiatique, n’est plus vraiment à la mode. Mis à part quelques irréductibles réalisateurs comme Johnnie To ou Takashi Miike, il n’y a plus le foisonnement et le talent des années 90 avec les John Woo, Tsui Hark et compagnie. C’est donc tout frétillant que l’on entre dans la salle découvrir ce film Indonésien réalisé par l’inconnu gallois Gareth Evans, avec en tête d’affiche un acteur pas plus réputé jusqu’alors (Iko Uwais). Le duo s’était illustré avec Merantau, film d’arts martiaux sorti directement en direct to video en France en 2009  et qui s’était taillé aussi une petite réputation parmi les initiés. Le film avait notamment permis la découverte du pencak silat, art martial traditionnel en indonésien, au style sec et violent.

Une unité d’élite décide un matin d’infiltrer un immeuble dans lequel se cache le puissant parrain de la plus grande organisation mafieuse de Djakarta. La première scène nous montre le héros se lever, se préparer et partir. Il n’y aura pas d’introduction plus longue ou de mise en situation, on est plongé immédiatement dans l’action, embarqué dans le véhicule transportant le commando jusqu’au lieu de l’action et avec le capitaine exposant le plan d’attaque. C’est sec et sans fioritures. Cet incipit est la promesse d’un film sans temps mort, sans rajouts inutiles qui se concentre sur son sujet principal : l’action. Force est de constater que l’on n’est pas déçu à ce niveau-là. Adoptant une construction appartenant plus volontiers au jeu vidéo, le film s’organise par niveaux au propre (les étages de l’immeuble) comme au figuré (de plus en plus haut vers le big boss). Il y avait déjà eu cet embryon d’idée dans une scène – restée fameuse pour le tour-de-force qu’elle représente – de L’Honneur du Dragon de Tony Jaa (2005). Là, Gareth Evans a pris le parti de l’étendre à l’échelle du film entier.

Le contenant étant déjà très séduisant, restait à voir de quoi était fait le contenu, c’est à dire l’action à proprement parler. Si Gareth Edwards qui n’a peut-être pas le génie d’un Tsui Hark (Time & Tide) ou d’un John Mc Tiernan (Die Hard), il a pour lui une énergie et une science du tempo absolument saisissante. Cee qui fait que The Raid se démarque du tout-venant, c’est cette frénésie quasi ininterrompue de l’action qui balaye tout sur son passage. Les combats ne sont pas faits de chorégraphies lyriques et visuelles mais au contraire rythmés par les coups secs et violents, mélangés à des coups de feu et des coups de couteau. Il n’y a pas un ennemi en face mais il y en a cinq et il faut les tuer les uns après les autres dans des combats au corps à corps. Il y a un art de la tension, au sens premier du terme, où le héros semble toujours dans un danger concret et crédible. Et là où ça fonctionne véritablement, c’est dans les sensations transmises au spectateur dans toutes ces scènes. Ici, le spectateur trépigne littéralement sur son siège car le film offre de véritables rushs d’adrénaline. C’est comme rire dans une comédie ou frissonner devant un film d’horreur : dans The Raid,  l’action parvient à atteindre un rythme tel qu’elle en devient un excitant qui se transmet directement au spectateur, une pure dose de caféine bien frappée, et c’est  bien ça qui rend The Raid autant jouissif !

La force et l’impact du film sont aussi liés à l’extraordinaire travail de sound design réalisé et qui donne une vraie profondeur à des scènes en elle-même pas nécessairement originales. Grace à de profondes infrabasses, dans la sélection des sons d’armes utilisés ou des pas etc… il y  a un véritable art du mixage qui rend donne au film cette carnalité, cette sensation très physique, toute en corps, en heurts, en coups. Bien aidé également par la bande-originale métallique industrielle, on est vraiment à fond dans la matière des choses, dans leur rapport entre elles et le corps. Comme tout grand film d’action, The Raid parvient à cette abstraction des éléments pour ne se concentrer que sur des données évanescentes comme la vitesse ou le mouvement du corps au sein d’un décors fermé. Bref, c’est dans ces moments-là, quand le film va au plus loin d’une narration conventionnelle ou de la démonstration technique, qu’il parvient à effleurer ce pur bonheur de film d’action où tout se déréalise (la violence notamment, pourtant très graphique) pour une expérience de spectateur très stimulante.

C’est l’esprit qu’on aime, l’esprit d’un « pur » film de genre sans chichi, totalement décomplexée, et fait avec un véritable amour de l’action qui s’assume. Il parvient également à exister par lui-même et à dépasser son stade de démo technique (comme pouvait l’être d’ailleurs Ong-Bak et son scénario idiot ne servant qu’à mettre en avant Tony Jaa). The Raid révèle en tout cas deux bêtes d’actions avec Iko Uwais, dans la peau du héros et Yayan Ruhian, qui joue son rival Mad Dog. Ces deux là impressionnent tellement qu’on les reverra nécessairement.

Quant à Gareth Evans, il ne réinvente rien mais il a eu le courage d’y aller franco, sans détour, et de faire preuve de suffisamment de talent pour rendre son film unique et remarquable. Pour une fois que le buzz d’un film n’est pas immérité il sera dommage de s’en passer. Alors, si vous aimez l’action et les sensations fortes, n’hésitez pas et foncez ! Il y a peu de chances que vous soyez déçus.

Grégory Audermatte

The Raid ****

Sortie française le 20 juin 2012

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Un commentaire sur “The Raid (Serbuan maut) de Gareth Evans (2011)”

  1. selenie dit :

    Et bien moi je suis déçu… Action pur parfaitement maitrisé et mis en scène mais à part ça ?! Pas de suspense, pas de minimum de psychologie et un banal de bout en bout… Mince pour une note max… 1/4

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