Rêve et silence (Sueño y silencio) de Jaime Rosales (2012)

Entre Paris et la Catalogne, un couple avec enfants se déchire progressivement après que le père ait été victime d’un accident.

Jaime Rosales est un cinéaste déroutant, radical mais dont la proposition de cinéma, concernant Rêve et silence au moins, est fatigante, tellement peu originale et finalement très agaçante.

Le cinéaste ne s’intéresse pas précisément à une histoire. Le pitch suffit à prendre la mesure de cela. Jaime Rosales se place en position d’observateur et avec sa caméra, il s’assigne comme mission de saisir la profondeur des émotions de ses personnages. Le cinéaste filme en plan fixe des discussions interminables extraites d’un quotidien dès plus ordinaire. Les échanges entre les personnages ne sont pas ce qui l’intéresse non plus. Le cinéaste laisse le soin à ses comédiens d’improviser eux même leurs dialogues. La seule obsession de Rosales est de briser l’écorce humaine, de s’attarder longuement sur ses personnages jusqu’à ce qu’une forme d’émotion commence à surgir.

Le film déroule ainsi une narration en pointillée dont on saisit mal où elle nous mène. Sueno y silencio est surtout une succession de long monologues, filmé dans un noir et blanc granuleux et un cadre désespérément fixe, sans aucun recours au contre-champ. Le cinéaste nie toute grammaire cinématographique. Si les personnages sortent du champ de la caméra, ce n’est pas grave, le cadre reste vide, le dialogue est off, le film continue. Cette radicalité apparente, assez vaine car tellement peu intéressante, on y goûte d’autant moins qu’on à le sentiment que le cinéaste adopte simplement une posture et qu’il n’est pas forcément très honnête vis à vis du spectateur.

A quel jeu joue t’il exactement ? On avoue notre complète perplexité. Comment qualifier le point de vue du cinéaste ? La question se pose vraiment, et celle du jeu aussi. Par exemple, il y a cette scène très curieuse dans un parc, une des rares occasion dans le film où la caméra se déplace : en l’occurrence, elle accompagne de dos, l’un des personnages principaux du film engagé dans une marche. Soudain la caméra arrête son mouvement. L’homme continue sa marche, quelques pas seulement, puis se retourne face à la caméra qu’ill fixe dans un long et silencieux moment. Que représente alors ma caméra ? Quel genre de témoins est elle ? La question se repose dans la séquence finale, quand la caméra retrouve une mobilité, toujours dans ce même parc (des Buttes Chaumont, a priori). Là, il s’agit clairement d’une caméra subjective, une marche solitaire et une trajectoire qui se modifie en fonction des personnes croisées.

D’autres questions se posent. Pourquoi la couleur apparait soudain, le temps d’un seul plan fixe ? Pourquoi filmer pendant de longues secondes un mur blanc ? On a pas vraiment le sentiment que le cinéaste en sait plus que nous, mais plutôt que ce ne sont que des tentatives arbitraires et qui n’ont pas de sens réel. Vers la fin du film, il y a cette autre séquence : un personnage dit à un autre « aujourd’hui il m’est arrivé un truc de dingue » puis le cinéaste effectue un cut sauvage. C’est la seule fois dans le film ou il interrompt brutalement le cours d’une discussion, et là, précisément à un moment qui appelle une suite.

Le précédent film de Jaime Rosales, Un tir dans la tête, était encore plus radical et dur, mais on percevait mieux son intérêt. Là, on a seulement le sentiment qu’il se moque de nous.

Benoît Thevenin

Rêve et silence *1/2

Sortie française le 3 octobre 2012

Lire aussi :

  1. La Fin du silence de Roland Edzard (2011)
  2. Le Silence de Lorna de Jean-Pierre et Luc Dardenne (2008)
  3. Like someone in love de Abbas Kiarostami (2012)
  4. Aux yeux de tous de Cédric Jimenez (2012)
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