Cogan – La Mort en douce (Killing them softly) d’Andrew Dominik (2012)

Le début du film semble respecter la promesse faite par Andrew Dominik, celle d’un très grand cinéaste capable de tour-de-force comme L’Assassinat de Jesse James. Cinq ans plus tard, il revient avec Killing Them Softly, et le délais laisse augurer du soin apporté au film. Espoir déçu, Killing Them Soflty a tout du pétard mouillé.

On est pourtant rapidement conquis. Un discours de la campagne d’Obama en 2008 s’inscrit dans une sorte de contre-champ avec les cartons du générique. L’effet est intriguant. Le film s’inscrit d’emblée dans le contexte de la crise économique mondiale et des promesses de changements de Barack Obama. Par son style heurté, les promesses entrent immédiatement en collision avec des sortes de murs.

Le scénario de cette histoire de tueur à gage et de règlements de compte mafieux trouve sa singularité dans la crise. Le point de départ est l’univers des parties de poker illégales, lesquels subissent les contre-coup de cette crise. Si les joueurs sont affectés, ils ne jouent plus ou mise moins et c’est toute une économie souterraine qui péréclite. La pègre est encore plus fragilisée quand le braquage d’une salle de poker est organisée par son propre gérant (Ray Liotta). Les pontes de la Mafia engagent le tueur à gage Jackie Cogan (Brad Pitt) pour remettre de l’ordre dans tout ça…

La narration entière est ponctuée de discours en arrière-plan de George W. Bush et de Barack Obama. Le contexte de la crise accompagne tout le récit, quitte a appuyer trop la leçon. Le film est élégamment mis en scène, les personnages solidement incarnés, mais rien ne vient élever le film au niveau de ses modèles les plus évidents. Killing Them Softly rappelle beaucoup le cinéma des frère Coen, en particulier Blood Simple et No Country for old men, sauf qu’il n’est absolument pas parcouru par le même genre de tension et même la mise en scène, sophistiquée et intéressante, ne se déploie quand même pas dans la même ampleur ni même ne procure le même plaisir.

L’ambition d’Andrew Dominik nous semble se diluer à mesure que le film avance. L’efficacité de sa mise en scène nous saisit le temps d’un bon quart d’heure et d’une scène de braquage de haute-volée. La suite est beaucoup plus modeste, et s’appuie essentiellement sur des dialogues, certes savoureux. Les échanges verbaux prennent le pas sur toute l’action et ce qui finit par constituer le principal intérêt du film, c’est toute la relation entre les personnages joués par James Gandolfini (enfin de retour au cinéma !) et Brad Pitt, une fois encore impérial. Tout cela est très bien et le film fonctionne, sauf que l’on est un peu déçu que l’ambition du cinéaste se dissolve progressivement et pour nous mener finalement pas bien loin. La conclusion est très efficace, une tirade qui réduit les USA de Bush Jr à un espace où les individualités domine l’esprit communautaire et de solidarité du peuple américain. C’est ce que la crise a effectivement exprimé de façon cinglante, mais ce message on l’avait compris, il n’était pas nécessaire de nous le marteler encore. Andrew Dominik signe un film trop évident, basique dans tout son déroulement même, et qui souffle le chaud et le froid. Le talent du cinéaste reste manifeste mais on espérait tellement mieux de sa part.

Benoît Thevenin

Cogan – La Mort en douce ***

Sortie française le 17 octobre 2012

Lire aussi :

  1. The Killing Room de Jonathan Liebesman
  2. Boulevard de la mort (Deathproof) de Quentin Tarantino (2007)
  3. La Jeune fille et la mort (Death and the maiden) de Roman Polanski (1994)
  4. Robert Mitchum est mort de Olivier Babinet et Fred Kihn
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