Reality de Matteo Garrone (2012)

Quatre ans après Gomorra, Grand Prix du Festival de Cannes en 2008, Matteo Garrone change d’univers avec Reality. Après la Mafia, la téléréalité. Quand le film a été tourné, Silvio Berlusconi était encore le Président du Conseil et ce film est un symbole d’une Italie Berlusconienne vulgaire et bercée d’illusions

A l’instar de Gomorra, l’action de Reality se déroule à Naples. Une caméra survole la ville et se rapproche doucement d’un carrosse doré. Un couple en descend, il s’agit de leur mariage. Le décorum est kitsch, d’inspiration Marie-Antoinette. Le couple a semble t’il voulu les choses en grand, mais le moment qui va déclencher l’enthousiasme de tous les invités, c’est celui où une star de la télé-réalité apparaît. Il a été payé pour offrir deux-trois sourires et tout le monde semble enchanté par ce caméo inattendu. Ils ne le seraient pas moins s’il s’était agit du Pape ou bien du buteur du Napoli…

Luciano, le chef de cette famille, est un boute en train. Son talent de comédien ne saute pas aux yeux, mais pour les siens, il est le meilleur. Un jour, poussé par ses jeunes enfants, il se présente à un casting pour la nouvelle saison de l’émission de real-tv la plus populaire en Italie. Dès lors, Luciano se laisse prendre au jeu. Il est persuadé qu’il va être sélectionné et, petit à petit, il va perdre tous sens des réalités.

Matteo Garrone s’est inspirée d’une histoire vraie, mais cela n’enlève pas grand chose à l’improbabilité de cette affaire. Le cinéaste colle au plus près du personnage de Luciano, un être fantasque, exubérant mais quelque peu pathétique. Luciano représente à lui seul ce phénomène de société de la téléréalité. Ce qui fait rêver le bon peuple, ce sont moins les stars du cinéma, que les nobodies qui se révèlent dans ces émissions. D’ailleurs on le voit dans le film, c’est à Cinecittà, théâtre des rêves par excellence, qu’est enregistré le show qui fait tant fantasmer Luciano et des millions de téléspectateurs. Le symbole de la régression de la culture populaire est là éclatant.

Pour autant, la fable satirique de Matteo Garrone manque très certainement de férocité. Le film aurait sans doute gagné à être véritablement grinçant. Au lieu de ça, le cinéaste accompagne son héros dans sa trajectoire si peu ordinaire et le filme avec tendresse et bienveillance. Le personnage est haut en couleur mais le film en Iui-même manque singulièrement de relief. Ici il est moins question de folie que d’une obsession déraisonnable. Luciano est emporté par une vague qui le submerge et l’énivre, mais Garrone aurait pu aller bien plus loin dans son récit et les implications qui découlent de sa quête absurde (sur son couple par exemple).

Lourd et laborieux, Reality est quand même porté par un acteur assez fabuleux. Aniello Arena ne profitera pas beaucoup des louanges que lui rapporteront le film, en tout cas à Cannes. L’acteur purge une peine de prison depuis 1993. Il a débuté en tant qu’acteur en 2001 dans la Compagnia della Fortezza, une troupe qui rassemble des détenus de la prison de Volterra. Il a obtenu l’autorisation de rejoindre le tournage du film mais pas celle de profiter des fastes du Festival. C’est finalement cette anecdote là qui risque d’éveiller curiosités et commentaires, plutôt que le film, simplement vain.

Benoît Thevenin

Reality ***

Lire aussi :

  1. Gomorra de Matteo Garrone (2008)
  2. 3 de Pablo Stoll (2012)
  3. Le Repenti (El Taaib) de Merzak Allouache (2012)
  4. Gimme the loot d’Adam Leon (2012)
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