Dark Shadows de Tim Burton (2012)

La Cinémathèque Française accueille actuellement l’exposition conçue en 2009 par le MoMa de New York pour célébrer l’oeuvre de Tim Burton. Le cinéaste comptait alors 13 longs-métrages dans sa filmographie, plus des courts-métrages plus ou moins fameux tel Vincent et Frankenweenie. Alice au pays des merveilles a été son 14e film en 2010 et Dark Shadows, donc, le 15e aujourd’hui. Une évidence s’impose pour les admirateurs de la première heure, le meilleur de la carrière de Burton est derrière lui et d’une certaine manière, l’exposition le consacre.

Depuis les années 2000, l’univers noir et mélancolique de Burton s’est muée en un monde coloré et festif. Les personnages marginaux restent ces héros préférés, mais ils sont célébrés et rassembleurs (cf. Le Chapelier Fou dans Alice ou Willy Wonka dans Charlie). Le virage a été amorcé avec Big Fish, film de la réconciliation et qui signale un apaisement. Son espace créatif parait d’un seul coup moins tourmenté et les films suivants le confirmeront. Il n’y a pas de hasard à cela ni au fait que ses derniers long-métrage semblent s’adresser d’abord à un jeune public : Burton est devenu adoré des spectateurs, a fini par se trouver une place chez Disney, et il est devenu père de famille.

Le vampire Barnabas Collins (Johnny Depp), lorsqu’il est libéré de la tombe deux siècles après y avoir été condamné prisonnier, s’invite auprès de sa descendance et n’a dans un premier temps qu’une seule idée, refaire partie de la famille…

D’abord, un prologue nous expose la malédiction dont est victime Barnabas depuis 1760. Le personnage n’est pas celui qui est rejeté, mais celui qui rejète. Il a refusé l’amour d’une ténébreuse « sorcière » sans avoir idée du pouvoir de celle-ci (Eva Green) car amoureux de Josette (Bella Heathcote) qu’il a choisi d’épouser. La rivale éconduite se venge en provoquant la mort des parents de Barnabas puis en conduisant Josette à se jeter du haut d’une falaise. Barnabas est lui transformé en vampire, condamné à la vie éternelle, et prisonnier d’un cercueil enterré en pleine forêt.

L’introduction dans un style gothique qui n’est pas sans rappeler celui de Sleepy Hollow (1999) lance le film sous les meilleurs auspices, mais qui s’évapore en même tant que l’intrigue bascule plus de deux siècles plus tard. Nous sommes alors dans les années 70’s, les hippies vivent en communauté et célèbrent le flower power au son des standards de l’époque (la B.O est excellente qui, outre la composition originale de Danny Elfman, mélange T-Rex, Donovan, The Moody Blues et The Carpenters).

Une jeune servante arrive au manoir des Collins et découvre une demeure autant vaste que délabrée. Les seventies, c’est cette période où les excentricités de chacun n’étonnent pas grand monde. Cela résume bien le parcours de Burton : les différences semblent acceptées, tout se normalise.

Avec Dark Shadows, Burton est a cent lieux de ses films les plus inventifs. Le cinéaste joue la carte de la comédie, adaptant là une série télé culte aux Etats-Unis dans les années 60 et qui a précédé dans la grille de programmation, une autre série comico-fantastique fameuse… La Famille Addams. Il est amusant de remarquer que l’adaptation au cinéma de la Famille Addams par Barry Sonnenfeld en 1991 était une conséquence du succès des premiers films de Burton, notamment Beetlejuice … et combien Dark Shadows est aujourd’hui une pâle entreprise à la remorque de La Famille Addams.

Le principal ressort comique de Dark Shadows tient en un anachronisme qui ne vaut pas mieux, et même moins, que celui des Visiteurs. Ceci dit, à l’inverse du film de Jean-Marie Poiré, il ne constitue pas tout le métrage, et encore heureux. Cela situe quand même le niveau d’un film qui fait preuve d’une ingéniosité très limitée.

Burton tente de parodier le cinéma de vampires, et s’il ne copie rien du Bal des Vampires, il va quand même jusqu’à organiser un bal qui, de fait et bien malgré nous, nous invite à nous référer à la farce légère de Roman Polanski. Là où le cinéaste polonais s’amuse des codes du film de vampires et livre une aventure flamboyante et plein d’audace, Burton livre un film qui certes n’emprunte pas forcément tous les passages obligés du genre mais sans vraiment user de malice ou d’invention.

On retrouve dans Dark Shadows les obsessions de Tim Burton (l’enfant abandonné par son père, l’ado qui doit supporter sa différence etc.), un même désir de rendre hommage à ceux qui l’on inspiré (ici Todd Browning et Bela Lugosi via le personnage de Johnny Depp) mais dilué dans un ensemble qui donne l’impression d’une entreprise aseptisée et inoffensive. Burton n’est plus le cinéaste des freaks, il est devenu un cinéaste familial. Mais Burton reste capable de nous émouvoir, et la très belle fin de Dark Shadows en témoigne. Lorsque la peau de porcelaine d’Angelique (Eva Green) craquelle  puis quand elle finit par offrir son coeur, Burton nous offre un très joli moment d’émotion et de poésie. C’est devenu ça le cinéma de Tim Burton, des oeuvres parcourues par des  fulgurances qui nous rappellent quel réalisateur il a été et que l’on regrette.

Benoît Thevenin

Dark Shadows ***

Sortie française le 9 mai 2012

Lire aussi :

  1. Big Fish de Tim Burton (2004)
  2. The Dark Knight de Christopher Nolan (2008)
  3. Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street de Tim Burton (2007)
  4. Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (You will meet a tall dark stranger) de Woody Allen (2010)
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Un commentaire sur “Dark Shadows de Tim Burton (2012)”

  1. selenie dit :

    Tout à fait ça… Des instants de grâce mais aussi un scénario sans surprise. Un très bon film pour un petit cru burtonien… 2/4

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