Tahrir, place de la Libération de Stefano Savona (2011)

Il y a un an, le peuple égyptien suivait l’exemple de la révolution tunisienne et descendait dans la rue pour réclamer le départ de Hosni Moubarak. Pendant plusieurs semaines, le mouvement est installé sur la place Tahrir et  fait face à l’armée qui tient en joug cette foule pacifique mais déterminée.

Le documentariste italien Stefano Savona, armé de son appareil photo Canon 5D, s’est mêlé aux manifestants et livre un témoignage direct et spontané de cette révolution en marche. C’est une plongée fascinante en plein coeur de cette contestation qu’il livre, posant un regard soigné sur quelques manifestants emblématiques.

Le documentaire, n’est pas un film youtube mais propose une immersion intelligente, qui donne a ressentir les émotions contradictoires qui traversent la place  : l’espoir, la peur se mélangent et côtoient le plaisir d’une fraternité retrouvée, d’un élan commun, d’un plaisir intense à prononcer des mots tabous, de l’incertitude flagrante qui jusqu’au bout, jusqu’à l’annonce du départ de Moubarak, laisse chacun à ses contradictions. Le bonheur de la liberté est contaminé par le risque d’un retour de bâton. Le peuple a trop subit de manipulations et de perversions de la part du pouvoir pour se garder un droit de réserve, un scepticisme bien opportun. La mise en scène de Savona est à la fois très spontanée et en même temps très réfléchie et intéressante. Le film pourrait être brouillon et frénétique, mais c’est tout le contraire. Savona ne rend pas compte d’un chaos mais illustre la révolution à travers le portrait de plusieurs citoyens qui semblent représentatifs de ce que se joue aux quatre coins de la place, et dans l’Egypte tout entière. Le film est ainsi le premier à montrer le background de la révolution, comment la vie s’organise sur la place etc. C’est aussi un film qui permet de recentrer notre regard sur ce qu’il s’est passé, sur ce que nous avions suivi de façon très distanciée à travers, par exemple, les live blogging du monde.fr ou via la couverture des chaînes d’informations.

Là, nous sommes avec les manifestants, avec l’impression qu’il n’y a plus de filtre, que l’on dialogue avec eux, que l’on ressent ce qu’il ressente. C’est évidemment une impression très fausse, mais cette expérience de l’immersion est passionnante et salutaire, redonne tout son sens à l’action des révolutionnaires, remet l’humain à l’épicentre de tous les enjeux. Ceci parce que vu de loin, et malgré les témoignages et les reportages des envoyés spéciaux au jour le jour, on pouvait avoir l’impression d’une entité compacte et sans visage, d’autant que la révolution ne s’est jamais saisie de celui d’un leader charismatique. Dans le documentaire, la révolution prend soudain plusieurs visages, s’incarne littéralement à travers des figures auxquelles on s’attache et pour lesquelles on vibre.

B.T

Tahrir, place de la Libération ****

Sortie française le 25 janvier 2012

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