Il n’y a pas de rapport sexuel de Raphael Siboni (2011)

Issu de la rencontre entre le cinéaste plasticien Raphael Siboni et l’acteur-producteur-réalisateur de films porno HPG, Il n’y a pas de rapport sexuel est réalisé à partie de milliers d’heures de making-off des tournages de ce dernier. Le dispositif est basique, une caméra posée sur un trépied qui enregistre ce qui se passe sur le plateau.

Le document que constitue ce bout à bout de séquences est placé sous l’égide de Jacques Lacan, l’auteur originale de cette assertion, « Il n’y a pas de rapport sexuel« . Le psychanalyste dit par là que la jouissance est solitaire malgré la fusion des corps, que le rapport sexuel n’unit pas les êtres mais les sépare. C’est une manière de dire que le sexe est quelque chose de narcissique, qui rentrerait alors en contradiction avec l’amour. Dire qu’il n’y a pas d’amour dans le porno, cela semble aller de soi. Le narcissisme de HPG ne semble pas non plus faire débat, de part sa façon de se mettre en scène au-delà de la seule pornographie (HPG, son vit, son oeuvre, 2001 ; On ne devrait pas exister, 2006).

HPG garanti qu’il n’a imposé aucune censure à Raphael Siboni, laissé libre de faire le tri dans les milliers d’heures de rush. Dès lors, le film ne fait pas l’éloge de HPG mais le montre au contraire sous un jour peu flatteur, tour à tour maladroit, confus ou manipulateur. Les séquences se succèdent qui montrent l’envers du décor de la pornographie gonzo et apparentée. Un comédien professionnel, quasiment toujours le même et avec ses états d’âmes, se livre à des ébats filmés, avec des comédien(ne)s amateurs, ou sans beaucoup d’expérience pour la plupart, face à une caméra.

Le film est constitué de blocs qui révèlent une seule chose d’abord : le porno est une machine, les gens qui le servent sont au travail, comme à l’usine. Le plaisir est généralement absent et il y a des objectifs de productivité et de rentabilité. Les images choisies par Raphael Siboni montrent des jeunes filles paumées et fragiles. Certaines semblent se demander ce qu’elles font là. Il y a le porno comme substitut à la pauvreté de la vie sexuelle par ailleurs ; le porno comme job présumé facile pour ramasser de l’argent mais qui s’avère bien plus trivial et moins reluisant qu’escompté. Il y a les filles un peu plus expérimentées, le rapport de respect et de pouvoir qui se joue entre les comédiens à la simple présentation ; les filles qui sont dans le culte d’elles-mêmes et qui pensent d’abord à être belles et être admirées etc. Raphaël Siboni lève ainsi le voile sur une réalité qui est à l’inverse de l’effet que la fiction, une fois ficelée, fait ressentir aux spectateurs.

Il n’y a pas de rapport sexuel fait se succéder des scènes hilarantes (HPG qui improvise un pitch idiot et sans cohérence pour la mise en scène d’une séquence), et d’autres franchement génantes. HPG assène un ahurissant discours de lutte des classes et de prestige du porno devant un garçon timide. HPG lui vend du rêve, lui assure qu’il sera fort et puissant, que les filles se pâmerons devant lui, et le garçon de se retrouver au milieu de plusieurs mecs pour le tournage d’une scène gay.

La réussite du film est là, dans la représentation brute d’une réalité source de tous les fantasmes et qui au final provoque, dérange et questionne le spectateur. Ni éloge, ni dénonciation, ni jugement moral livré en pâture, juste un témoignage fragile et complexe qui remet les choses à l’endroit.

Benoît Thevenin

Il n’y a pas de rapport sexuel ****

Sortie française le 11 janvier 2012

Lire aussi :

  1. Avant l’aube de Raphaël Jacoulot (2011)
  2. Beast de Christoffer Boe (2011)
  3. Michael de Markus Schleinzer (2011)
  4. Black Swan de Darren Aronofsky (2011)
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