Cul-de-sac de Roman Polanski (1966)

Fort du succès de Répulsion, Roman Polanski peut réaliser Cul-de-sac, projet mis temporairement à l’écart car il ne trouvait pas de financement. Cette fois, Polansi a carte blanche et cela va se constater à l’écran. Cul-de-sac est un film libre, un peu bordélique et parfois loufoque, en tout cas assez drôle.

Polanski embarque Françoise Dorléac dans son aventure. La soeur de Catherine Deneuve, son héroïne dans Répulsion, partage l’affiche avec Donald Pleasance. Ensemble, ils forment un couple (George et Teresa) résident seul dans la forteresse de Holy Island, une île au nord de l’Angleterre qui aurait été la propriété de l’écrivain et poète Walter Scott, auteur de Rob Roy. On se demande ce qu’ils font là, jeune et autant isolés du monde, à s’ennuyer et élever des poules.

Le film démarre cependant avec un autre couple, dans une situation également improbable. Deux gangsters, Richard (Lionel Stander) et Albie (Jack MacGowran) cheminent en voiture sur une route déserte le long de la plage. Les deux sont blessés, et Albie est particulièrement mal en point puisqu’il ne peut sortir de la voiture laquelle vient de tomber en panne. Richard part a priori chercher de l’aide, trouve le château, mais se met a vouloir retenir en otage les occupants, George et Teresa. Richard a prévenu des complices de sa position et il attend qu’on vienne le rejoindre…

Le récit d’attente, l’absurde qui teinte les relations entre les trois personnages principaux, et le fait qu’ils soient coincés au bout d’une impasse, fait penser à Samuel Beckett, un auteur de théâtre que Polanski affectionne particulièrement. Richard n’attend pas Godot mais c’est tout comme. Cul-de-sac ne déroule aucune structure dramatique classique et décrit une situation figée dans laquelle les personnages agissent sans esprit de logique.

Les personnages s’opposent d’abord par leur caractère. Richard la brute malmène George l’intellectuel peureux et Teresa, la frivole. Teresa provoque son ami, se désespère de sa lâcheté. On a l’impression qu’elle s’épanouit enfin avec l’arrivée imprévue de Richard. Elle trouve un compagnon de jeu, ressent des émotions contradictoires – entre peur et amusement – qui boostent son adrénaline.

Lorsque des amis de George s’invitent au château sans prévenir, Polanski en profite pour égratigner les comportements et les conventions bourgeoises, l’hypocrisie des uns, l’outrecuidance des autres. La thématique était déjà explorée dans son premier long-métrage Le Couteau dans l’eau, et sera largement développée dans ses films futurs. Cul-de-sac est aussi le premier de ses films où l’humour est central. Cette tendance à l’ironie, déjà entrevue dans Le Couteau dans l’eau, annonce Le Bal des vampires, son prochain métrage.

En attendant, Polanski conclut le film sur la solitude du personnage de Donald Pleasance. A l’époque, Gérard Brach et Polanski additionnaient les déceptions amoureuses. Teresa endossant finalement le mauvais rôle, par son indifférence et son égoïsme, sans doute les deux scénaristes règlent à travers ce personnage leurs comptes avec les femmes en générale.

Benoît Thevenin

Cul-de-sac ***1/2

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