Louise Wimmer de Cyril Mennegun (2011)

Avant Louise Wimmer, Cyril Mennegun s’était signalé par un portrait documentaire de Tahar Rahim, alors étudiant avant d’être révélé par Jacques Audiard dans Un Prophète. Cyril Mennegun et Tahar Rahim sont originaires de Belfort, ville connue entre autres pour son Lion par Bartholdi, son festival de musiques actuelles (Les Eurockéennes), et son festival de cinéma (Entrevues).

Cyril Mennegun confie avoir découvert le cinéma à Entrevues, se souvient d’une rencontre avec Laurent Cantet et de s’être dit qu’il aimerait bien se retrouver sur scène à sa place pour présenter lui aussi un film. C’est chose faite depuis le 27 novembre 2011, ou dans la soirée il montrait pour la première fois au public belfortain, dans le cadre de la compétition internationale du festival Entrevues, son premier long-métrage, tourné pour partie à Belfort même. Pourtant, depuis septembre et sa présentation en section parallèle à Venise, Louise Wimmer a écumé nombre de festivals européens et commencé de se tailler une réputation.

Louise Wimmer est une femme de bientôt cinquante ans qui vit dans sa voiture. Elle est dans l’attente depuis de nombreux mois d’un logement social, cela pour espérer démarrer enfin une nouvelle vie. Cyril Mennegun fait ainsi le portrait de cette femme qui vivote entre son travail à mi-temps de femme de chambre dans un hôtel, les petite combines pour resquiller à droite à gauche, et les verres au comptoir d’un bar PMU auprès de quelques joueurs.

Le film est d’abord porté par Corinne Masiero, incontestable révélation d’un film ou elle est de tous les plans et qu’elle traverse entre accablement et force sourde qui lui permet de s’accrocher, de conserver toujours assez de détermination, de fureur et de dignité. Si le sujet peut effrayer et suggérer un certain misérabilisme, Cyril Mennegun parvient à éviter les pièges. Louise Wimmer est toujours fière et droite et ne se laisse pas marcher dessus malgré les humiliations qu’elle peut subir. Le personnage est proche de la clochardisation mais ne cède jamais. Ainsi, Cyril Mennegun échappe plutôt bien au piège du pathos. Il y parvient aussi parce qu’il hisse sa réalisation au niveau du jeu de Corinne Masiero. Elle ne porte pas seule le poids du film car la mise en scène aussi à son mot à dire.

Dès la séquence d’ouverture sous fond de Nina Simone, avec cette voiture qui surgit d’un horizon lointain et qui se perd dans un maelström de couleurs qui sont celles des feux lumineux dans la nuit, Cyril Mennegun affirme une envie de faire du cinéma. La frontière avec le misérabilisme est parfois proche mais Mennegun ne la franchit jamais, reste fidèle à son actrice, toujours droit dans ses bottes. L’utilisation récurrente de Sinner Man de Nina Simone est une merveilleuse idée. A chaque démarrage de la voiture, la chanson s’amorce, déchirante, et qui correspond à Louise. En même temps cette chanson symbolise la litanie d’un quotidien éprouvant, une fatalité pesante, un piège inexorable. Quand Louise se bagarre contre son auto-radio, elle se bat contre ce qu’elle subit, elle lutte et prouve que jamais elle ne se laisse aliéner.

Le film pose aussi une problématique sociale particulièrement actuelle. Il est un symptôme de la crise qui frappe si durement les personnes fragile, mais Louise Wimmer est surtout le portrait d’une femme et une seule. Il n’est pas question de tirer des constats généraux ou de donner des leçons. Cyril Mennegun n’a pas cette prétention là, et encore heureux. Il sait rester à sa place et c’est ça qui confère aussi au film sa puissance, sa droiture. En somme, une belle révélation.

Benoît Thevenin

Louise Wimmer ****

Sortie française le 4 janvier 2012

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