Ils étaient les Brigades Rouges 1969-1978 de Mosco Levi Boucault (2011)


Ils étaient ouvriers, étudiants, intérimaires, éducateurs etc. Ils étaient des personnes ordinaires engagées dans un combat social débuté bien avant ; avant l’enlèvement et l’assassinat du chef du parti Chrétien Démocrate Aldo Moro.

« Ils », se sont les Brigades Rouges, ce mouvement révolutionnaire qui à la fin des années 60, dans les usines du nord de l’Italie à Turin et Milan, a choisi la lutte armée contre le pouvoir et le capitalisme.

Dans Ils étaient les Brigades Rouges, le réalisateur Mosco Levi Boucault donne la parole aux membres aujourd’hui libres du commando des Brigades Rouges qui ont enlevés et tués Aldo Moro. Ils racontent en détail leur itinéraire respectif, qui ils étaient et d’où ils venaient, leurs motivations. La reconstitution, en deux parties d’une heure chacune, est passionnante, qui permet de comprendre mieux le traumatisme que les italiens éprouvent encore à cause de ces années là.

Le documentaire ouvre sur le journal télévisé annonçant la capture d’Aldo Moro et le meurtre de ses gardes du corps le 16 mars 1978 en plein Rome.  Les extraits de JT égrainent le décompte des jours de captivité de l’homme politique et ponctuent le récit chronologique de la constitution  des Brigades Rouges.

Au crépuscule des années 60, l’Italie est coupée en deux. Le travail se trouve au nord du pays, dans les usines Fiat et Pirelli par exemple. Une forte immigration intérieure va vers le Nord. Le travail dans les usines est répétitif, mal payé, et les conditions de vie difficiles. De nombreux ouvriers dorment sur les bancs de la gare de Turin. A l’automne 69, la protestation s’organise. Le mouvement ouvrier réclame via les syndicats une négociation sur les salaires et sur les conditions de travail. Cette agitation commence aussi à se mélanger aux mouvements étudiants entamés en Italie en février 68 et encore dans l’air.

Alors que le patronat résiste aux négociations, des actes de sabotages sont perpétrés par des ouvriers chez Fiat. Le fossé commence à se creuser entre la gauche traditionnelle qui discute avec les patrons et un certain nombre d’ouvriers qui aspirent eux à changer de vie, à engager la révolution.

Le 12 décembre 1969, une bombe explose dans une banque au centre de Milan. Le bilan est lourd : 16 morts et 88 blessés. Une autre bombe explose à Rome. Ces attentats portent la marque des fascistes qui traumatisaient alors l’Italie dans ce que l’on appelle aujourd’hui « les années de plombs ». Pourtant, le gouvernement attribue ses attaques à la Gauche révolutionnaire. La guerre est déclarée.

Certains révolutionnaires s’engagent dans la lutte armée. Les Brigades Rouges naissent à Milan en 1970 par des actions au sein de l’Usine Pirelli. L’objectif est le soutient aux luttes syndicales par la violence et en s’inspirant de la résistance. A ce moment là, les choses sont encore réversibles. Les protagonistes, ceux qui enlèveront Aldo Moro quelques années plus tard, avaient alors 19 ou 20 ans et l’avenir devant eux. La voix de la sagesse, ils ne l’entendent pas. Dans les usines, ils distribuent des tracts pour défendre leurs actions et avec un slogan « le vote ne paye pas, prenons le fusil ». Le choix est donc fait.

Avec l’enlèvement en mars 1972 du directeur de Siemens, les Brigades Rouges se font connaître. Le pouvoir et l’opinion prend conscience de l’existence de l’organisation révolutionnaire. Le dirigeant de Siemens est une cible idéal et l’objectif principal de son enlèvement consiste à le prendre en photo avec un fusil sur la tête, pour le montrer en position de faiblesse face aux ouvriers.

Quelques semaines après, une base des Brigades Rouges est découverte par le Police, des membres du groupe sont arrêtés. Pour que l’organisation survive, il s’agit alors de s’engager pleinement dans la clandestinité. Le clan se sépare en deux groupes, l’un à Milan, l’autre à Turin, avec comme but l’élargissement du réseau.

La répression du Coup d’Etat au Chili en 1973 crée une fracture. La révolution est écrasée, chacun prend comme un coup au moral. Pour relancer la lutte, les BR organisent l’enlèvement du chef du personnel de Fiat. Les syndicats se désolidarisent définitivement des BR. Le mouvement se radicalise davantage et commence à exiger la libération de prisonniers.

Voilà pour la première partie du documentaire. La seconde est centrée sur l’enlèvement puis l’assassinat d’Aldo Moro, ancien président du Conseil (fonction actuellement occupée par Silvio Berlusconi, ceci afin de mesurer l’importance de cette action).

Les BR ont alors déjà basculé dans la violence la plus extrême. Outre les actions de jambismes, attentats spectaculaires qui consistent à tirer des coups de feu en visant les jambes des victimes, les Brigades instaurent des Tribunaux Révolutionnaires. Le premier a y être soumis est le procureur Francesco Coco, dont les BR revendique l’assassinat. Aldo Moro subira finalement le même traitement.

Les membres du commando témoignent de l’organisation de l’enlèvement, des négociations qui ont eu lieu. Les BR réclamaient en effet la libération de prisonniers en échange de celle d’Aldo Moro.

Pendant les deux mois de captivité de l’homme politique, le climat évolue au sein de la société. La presse, jusqu’alors complaisante devient clairement anti-terroriste, des manifestations ont lieu contre la terreur et même le Pape intervient personnellement pour demander la grâce de Aldo Moro. De plus en plus, les BR se sentent pris au piège. Ils comprennent qu’ils n’obtiendront pas ce qu’ils veulent.

Aldo Moro sera exécuté, et les autorités politiques, le Parti Communiste et le Parti Chrétien Démocrate, désignés par les BR comme responsables. La mort d’Aldo Moro est un traumatisme, mais aussi le début de la fin pour les Brigades Rouges dont l’action est d’un seul coup décrédibilisée. Le mouvement durera néanmoins encore près de dix ans, soit le temps pour qu’il s’éteignent définitivement. Le pays lui, ne parvient toujours pas à tourner la page de ces années là.

B.T

Bonus DVD :

Une série d’entretien dans lesquels des acteurs de l’extrême gauche française de l’époque expliquent pourquoi selon eux, les mouvements protestataires n’ont pas basculé dans la lutte armée, bien qu’ils en aient eu eux aussi la tentation :

– Les Douches froides, par Serge July (23′)
– Des révolutionnaires sans révolution, par Alain Geismar (26′)
– Des révolutionnaires « raisonnables », par Alain Krivine (8’30)
– « Ce n’était pas notre tasse de thé », par Daniel Cohn-Bendit (4’30)

Dans un dernier entretien, l’écrivain italien Erri de Luca évoque son engagement hier et aujourd’hui.

– Les Années de cuivre d’Erri de Luca (26′)

Ils étaient les Brigades Rouges ****

Disponible en DVD (Arte Editions) depuis le 21 septembre 2011

Diffusion sur Arte le 28 septembre 2011

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