Décès de l’actrice française Marie-France Pisier (1944 – 2011)

Egérie d’André Téchiné à ses débuts de cinéaste, l’actrice Marie-France Pisier, incarna pour ses débuts Colette, la première amoureuse d’Antoine Doinel dans les films de François Truffaut. Elle est décédée le 24 avril 2011 à l’âge de 66 ans.

Après le tournage de Jules et Jim, François Truffaut accepte une commande du producteur Pierre Roustang et réalise Antoine et Colette (62), un segment du film à sketchs L’Amour à vingt-ans. Truffaut y voit l’occasion de donner une première suite à l’histoire du jeune Antoine Doinel, héros de son premier long-métrage Les 400 coups. Jean-Pierre Léaud reprend son rôle et Truffaut engage pour le personnage de Colette la jeune Marie-France Pisier, 17 ans et membre d’une troupe de théâtre amateur pour seule expérience du jeu. Le destin cinématographique de Marie-France Pisier commence là, à un bon rang de la Salle Pleyel lorsque le personnage d’Antoine la remarque et tombe amoureux. La comédienne, cheveux court, ne fait pas encore preuve d’une grande assurance mais séduit, par son sourire et sa spontanéité.

Le personnage de Colette réapparaitra deux fois dans la série Doinel de Truffaut, furtivement et sous forme de clin d’oeil dans Baisers volés (68) et dans un second rôle plus important dans L’Amour en fuite (79), le film-bilan qui clôt la saga, avec notamment une très belle séquence de retrouvailles dans le wagon d’un train en partance de Paris.

Après Antoine et Colette, Marie-France Pisier tourne trois fois en deux ans sous la direction de Robert Hossein (La Mort d’un tueur en 63, Les Yeux cernés et  Le Vampire de Düsseldorf en 64), avant d’incarner, notamment dans une assez troublante scène d’orgie, la secrétaire objet des fantasmes de Jean-Louis Trintignant (avec qui elle tournera de nouveaux en 82 dans Boulevard des assassins) dans le polar obsédant et très sexuel d’Alain Robbe-Grillet Trans-Europe-Express (1967).

A cette époque, étudiante à l’université de Nanterre, elle participe au Mouvement libertaire du 22 mars qui impulsera les troubles de Mai 68 et devient l’amie de Daniel Cohn-Bendit.
Quelques années plus tard, et à l’instar du film de Robbe-Grillet, on la retrouvera dans deux autres univers oniriques, chez Luis Buñuel et pour une courte apparition dans Le Fantome de la liberté (74) ; et dans un second-rôle auprès de Juliet Berto et Dominique Labourier dans le film-fleuve de Jacques Rivette, Céline et Julie vont en bâteau (74 également).

Sa carrière prend un tournant grâce à André Téchiné. Elle tourne dans les quatre premiers long-métrages du cinéaste, Pauline s’en va en 1969, Souvenirs d’en France en 75, Barocco en 76 et Les Soeurs Brönté – où elle joue Charlotte – en 79. En 77, Barocco vaut même à Marie-France Pisier d’être récompensée encore, un an après son César obtenu pour son rôle dans Cousin, Cousine de Jean-Charles Tacchella. Elle réalise ainsi le coup double aux César et est la première à inscrire son nom au palmarès de la cérémonie annuelle (César de la meilleure actrice dans un second rôle en 1976 et 1977).

Dans les années 70, on le retrouve aussi chez Henry Verneuil et auprès de Jean-Paul Belmondo dans Le Corps de mon ennemi (1976) ou en héroïne de son premier film tourné aux Etats-Unis, De l’autre côté de minuit (Charles Jarrott, 77), avec John Beck et Susan Sarandon.

Six ans après Le Fantôme de la liberté, Marie-France Pisier retrouve Jean-Claude Brialy dans La Banquière de Francis Girod (1980), grande histoire passionnelle pendant l’entre-deux guerres et dans laquelle Romy Schneider tombe dans ses bras. Elle enchaîne aux Etats-Unis et sous le regard de Roger Vadim dans The Hot Touch (81) et incarne Coco Chanel auprès de Rutger Hauer et Timothy Dalton dans Chanel Solitaire (George Kaczender, 81).

En ce début des années 80, Marie-France Pisier joue en tête d’affiche de deux succès populaires. En 1982 d’abord, elle  retrouve Jean-Paul Belmondo pour la comédie de Gérard Oury L’As des as, laquelle réunit plus de 5 millions de spectateurs dans les salles. L’année suivante, elle est l’ignoble et cynique productrice télé dans Le Prix du danger d’Yves Boisset et avec Gérard Lanvin et Michel Piccoli (1,4 millions d’entrées). Elle est aussi de l’avant-dernier film de Jacques Demy, Parking en 1985.

Après Charlotte Brönte et Coco Chanel, Marie-France Pisier incarne un autre personnage historique, George Sand, dans La Note Bleue d’Andrzej Zulawski, centré sur la relation entre l’écrivaine et le musicien Frédéric Chopin (1991). Avec Jean-Charles Tacchella, son réalisateur de Cousin, Cousine, elle tourne Tous les jours dimanche en 1994. Un autre cinéaste la dirigera une seconde fois (contre, on l’a vu, 4x pour Téchiné, 3 pour Truffaut et Hossein). Il s’agit de Francis Girord en 2002 avec le polar neigeux Un Ami parfait (2006).

Entre-temps, elle participe, en éternelle actrice de support, à des films comme Marion de Manuel Poirier (1996), la comédie noire La Patinoire (Jean-Philippe Toussaint, 1998), la comédie de moeurs Pourquoi pas moi ? (Stéphane Giusti, 1999), l’ambitieuse adaptation du Temps Retrouvé de Marcel Proust par Raoul Ruiz (1999). On la voit aussi dans Inch’Allah dimanche de Yamina Benguigui (2001), dans Ordo de Laurence Ferreira Barbosa (2004), dans le premier film de Maïwenn (Pardonnez-moi, 2006), ou en mère d’un Romain Duris dépressif chez Christophe Honoré (Dans Paris, 2006). Sa dernière apparition, en mère bourgeoise et pleines de préjugés, remonte à l’automne 2010 avec la comédie Il reste du jambon ? d’Anne Depétrini.

Marie-France Pisier est par ailleurs la réalisatrice de deux long-métrages : Le Bal du gouverneur en 1990 avec Kristin Scott Thomas et Didier Flamand  et Comme un avion en 2002,  d’après un scénario de Pascal Bonitzer, ou elle se met en scène aux côtés de Bérenice Bejo et Guillaume Depardieu.

C’est une actrice radieuse et qui tout au long de sa carrière n’a jamais rien perdu de sa fraîcheur et de son enthousiasme initiale qui nous quitte.

Benoît Thevenin

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