Rango de Gore Verbinski (2011)

Ce n’est pas tous les jours que des réalisateurs de films live s’en remettent à l’animation. On note au moins l’exemple fameux de Tim Burton (ex de chez Disney, auteur de Vincent et des Noces Funèbres en coréalisation), ou encore la réussite géniale du Fantastic MrFox par Wes Anderson. On ne peut pas dire que Gore Verbinski ait une personnalité de cinéaste qui est quoi que ce soit à voir, et pour son passage à l’animation, Rango ne boxe pas non plus dans la même catégorie. Ca n’empêche pas le film d’être sympathique.

Gore Verbinski s’est fait connaître avec son premier long-métrage, une comédie cartoonesque à destination prioritaire d’un public enfant, La Souris en 1997 ; et est depuis devenu le responsable d’une des franchises les plus lucratives de ces dernières années, Pirates des Caraïbes. Pour Rango, Verbinski a convoqué celui-là même qui incarne le fantasque Jack Sparrow dans Pirates des Caraïbes, Johnny Depp bien sûr, qui là prête sa voix au personnage éponyme.

Rango est un caméleon qui mène une vie pépère d’animal domestique dans sa prison de verre. Il rêve d’une vie aventureuse et s’imagine un potentiel d’acteur de théâtre hors norme. Jusqu’à ce que son destin change brutalement. Il se retrouve projeté dans la ville de Poussière, en plein désert des Mojaves en Californie. L’endroit n’est peuplé que d’insectes peu rassurants mais surtout, toute la population souffre de la pénurie d’eau qui assèche la ville. Rango, par son audace couplée à la chance, arrive à se faire passer pour un héros et à gagner la confiance de chacun. Il devient le sheriff et c’est à lui que va incomber la responsabilité de rétablir l’eau dans la cité…

Premier bon point pour le film, il n’est pas projeté en 3D. La chose est devenue rare concernant le moindre blockbuster, et encore plus pour les films d’animations. La 3D, on s’en passe très bien, et le gadget ne nous manque pas dans le cas présent.

Bien rythmé et attachant, Rango est aussi un pur plaisir pour cinéphile du fait des références nombreuses qui sont glissées dans l’intrigue.
Gore Verbinski convoque non seulement Johnny Depp, mais aussi quelques clins d’oeil à certains de ses films les plus connus. Dans la grande scène initiale sur l’autoroute, le lézard échoue sur le pare-brise d’un conducteur en plein trip et le bob accroché sur la tête (cf. Las Vegas Parano de Terry Gilliam, 1998). Peu de temps après, dans la scène d’hallucination de Rango, l’immensité du désert évoque Arizona Dream (Emir Kusturica, 1993). On note aussi cette auto-référence à la scène ou les crabes déplacent le Black Pearl dans Pirates des Caraïbes 3 (2006) lorsque les insectes de la ville portent Rango dans le désert.

Les références autres sont par ailleurs nombreuses, et puisque l’on est dans le désert et dans un univers de western, inévitablement on retrouve des clins d’oeil à l’endroit de Sergio Leone. On pense à  Pour une poignée de Dollars ou, via Jake the Snake et son chapeau, à Lee Van Cleef dans Le Bon, la brute et le truand. L’esprit du désert qui apparaît à Rango renvoie lui à Clint Eastwood, acteur fétiche de Sergio Leone dans ses westerns.

La scène ou les habitants de Poussière se retrouvent hypnotisés et marchent tous dans la même direction évoque elle directement La Machine à explorer le temps de Georges Pal (1960), quand les Elois se dirigent hypnotisés et comme un seul homme vers l’entrée du Sphinx. De la même manière, quand Rango mobilise une troupe pour partir à la recherche de voleurs, il suit l’exemple des cowboys réunit dans Les Septs mercenaires pour protéger un village de pilleurs (John Sturges, 1960). La première scène de fusillade renvoie elle au Train sifflera trois fois de Fred Zinnemann (1952).

Les personnages eux même sont des variations parodiques d’autres personnages connus. Rango en shérif fait penser à Cleavon Little dans Le Sheriff est en prison (Mel Brooks, 1974) tandis que le Maire de Poussière rappelle le personnage incarné par John Huston dans Chinatown (Roman Polanski, 1974).

Le métrage de Polanski est justement le film principal pris comme modèle et fil-conducteur. Rango reprend les grandes lignes de l’intrigue de Chinatown, l’idée de la sécheresse et de la guerre des eaux, et adresse divers clins d’oeil directs. Outre le personnage du Maire,  il y a par exemple la scène ou le banquier est retrouvé mort noyé, à l’instar de la découverte du corps du mari ingénieur de Faye Dunaway chez Polanski.

Difficile par ailleurs d’échapper à la référence faite à Apocalypse Now sous fond de La Chevauchée des Walkyries de Wagner ; ou à la phrase « A grand pouvoir, grandes responsabilités », variation de celle tellement emblématique dans Spider-Man (Sam Raimi, 2002).

D’autres allusions nous échappent sans doute mais ces quelques exemples donnent bien la mesure d’un dessin-animé ultra-référencé qui amusera donc aussi les cinéphiles. Le spectateur n’est pas forcément cinéphile mais pas besoin de l’être non plus. Rango est suffisamment rythmé et enjoué pour ravir à peu près tout le monde et remplir sa fonction première, divertir les gens. Les bug de Fève, la décontraction de Rango, les chouettes mariachis etc. sont autant d’atouts augmentant le capital sympathie du film.

A noter aussi, hasard du calendrier ou pas, que le film sort en France le jour même de la journée mondiale de l’eau. Le problème soulevé à la fin de Rango renvoie presque à un film documentaire à charge, Water makes money, sorti dans quelques salles pour l’occasion et diffusé aussi sur Arte.

Benoît Thevenin


Rango – Note pour ce film :  ***1/2

Sortie française le 23 mars 2011


Lire aussi :

  1. Drari de Kamal Lazraq (2011)
  2. Sauna on moon (Chang e) de Zou Peng (2011)
  3. Les Chants de Mandrin de Rabah Ameur-Zaïmeche (2011)
  4. Death is my profession d’Amir Hossein Saghafi (2011)
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2 commentaires sur “Rango de Gore Verbinski (2011)”

  1. selenie dit :

    Très bonne surprise mais peut-être un poil surestimé… Le héro est magnifique en lézard laid et quasi difforme mais ce sont bien les seconds rôles qui frappent le plus par la justesse des traits. Le scénario gagne en qualité grâce au début mais le reste n’est qu’un remake des spaghettis de Léone ; normal me direz-vous c’est un hommage édifiant ! Deux baisses de régimes (au 1er et 2ème tiers) plombent un peu le rythme mais ce film d’animation est clairement une grande réussite. 3/4

  2. Axel dit :

    Pour moi, le film a été un pur plaisir. Visuellement inventif, il fallait oser certaines références, notamment à Las Vegas Parano. Si je l’avais vu petit, j’aurais peut-être été effrayé par la gueule de certains des personnages…
    Et je constate dans les programmes des cinémas mk2 que des films en 3D sont aussi présentés en 2D, surtout en matinée, preuve peut-être qu’ils se sont rendus compte que les gens n’étaient plus tout à fait prêts à voir n’importe quoi avec des lunettes. Genre Titeuf ou Thor.

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