Le Choix de Luna (Na Putu) de Jasmila Zbanic (2010)

Luna et Amar sont un jeune couple aimant dans le Sarajevo (capitale de la Bosnie) d’aujourd’hui. Il est sous entendu que Luna est une réfugiée croate, et les fantômes de la guerre en ex-Yougoslavie quinze ans auparavant planent sur tout le récit.

Luna et Amar s’aiment et projettent d’avoir ensemble un enfant. Il n’y parviennent pas et Luna accepte de recourir à l’insémination artificielle. Un après-midi, alors qu’ils prennent congé de la ville pour profiter du soleil et du calme de la campagne, Amar tombe par hasard sur un ancien camarade d’armée. Celui-ci pratique l’islam wahhabite et promène une jeune femme en burka. Tout semble opposer les deux couples mais ces retrouvailles vont changer la donne. Amar se laisse soudainement corrompre par cet ami qui lui offre du travail, et se réfugie sous son influence dans l’Islam intégriste. Luna observe la transformation de son chéri, tandis que le couple se retrouve menacé.

Le Choix de Luna est le second film de Jasmila Zbanic  après Sarajevo mon amour. Dans le précédent, il était question d’un lourd secret, hérité de la guerre qui ensanglanta la Yougoslavie dans les années 1990. Jasmila Zbanic  continue d’ausculter les conséquences de cette guerre dans Le Choix de Luna, mais cette fois de manière moins directe. Le passé fait plutôt partie du background, d’un contexte qui pèse lourdement, ou les tensions religieuses sont relativement apaisée mais bouillonnent.

Le film épouse le regard de Luna (Zrinka Cvitesic), une jeune femme moderne et bien dans sa peau qui ne consentira aucun sacrifice à son émancipation. Elle est une jeune femme séduisante, attachante, qui aiment s’amuser, qui boit de l’alcool etc. Amar n’a aucun problème avec le style de vie simple, « à l’occidentale », de sa compagne. Lui-même s’est fait licencié de son précédent travail parce qu’il buvait trop, preuve qu’il n’avait jusqu’alors aucun compte à rendre au Coran.

Son cheminement est fragile et d’ailleurs Amar ne change pas radicalement du jour au lendemain. Il modifie ses habitude, se rend à la Mosquée, applique certains préceptes comme ne plus boire d’alcool, se laisse pousser la barbe etc. mais à la maison, il ne rentre pas en conflit ouvert avec Luna. Il n’approuve pas sa façon de rester elle même, il est maintenant trop fatigué pour coucher avec elle et fait des remarques sur sa façon de s’habiller, mais ça ne va pas plus loin. Amar semble complètement perdu, déboussolé.

A travers la lente désintégration du couple qu’il forme avec Luna, Jasmila Zbanic réalise un très beau portrait de femme et un film subtile et sensible. Point de gros sabots ni de trajectoires spectaculaires. Jasmila Zbanic reste à hauteur de ces personnages, suit leurs évolutions autant  inexorables que délicates. Le film aurait pu être plus riches encore de questionnements, peut-être, mais l’équilibre est bien tenu, fragile mais profond, qui révèle une somme de traumatismes et de dangers potentiels.

C’est le portrait d’une société mouvante et tiraillée que la cinéaste fait là aussi. Le constat est réalisé avec beaucoup d’intelligence, échappe à toute tentative d’explication et heureusement. Les réponses, Jasmila Zbanic ne les a pas forcément, d’où cette fin ouverte qui laisse libre court à diverses possibilités et interprétation. Il est difficile de prédire l’avenir du monde, comme celui de la Bosnie, et Jasmila Zbanic n’a pas cette prétention là. Mais la fracture grandissante au sein du couple est un constat amer de ce qui se déroule à priori de façon plus large et diffuse dans la société.

Benoît Thevenin


Le Choix de Luna – Note pour ce film : ****

Sortie française le 9 février 2011


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2 commentaires sur “Le Choix de Luna (Na Putu) de Jasmila Zbanic (2010)”

  1. Foxart dit :

    Je n’en reviens pas, j’ai trouvé ça très mauvais et notamment la comédienne que j’ai trouvé horripilante de minaudage… mais tout le monde semble aimer ce film…

  2. selenie dit :

    Le film commence sur des problèmes que pourraient connaitre tous les couples avant de dénoncer l’islam radical de façon intelligente, à savoir en mettant face à face les deux mouvances, l’islam moderne et tolérant (le diner à la fête de l’Aïd) face à l’islam extrêmiste (visite du camp wahabbite éloquent). Un scénario efficace pas toujours très subtil mais toujours à taille humaine et honnête. A conseiller fortement. Ce film est aussi un beau portrait de femme interprêté par la très belle et sensuelle Zrinca Cvitesic. 3/4

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