[Cache-cache] Rencontre avec le réalisateur Yves Caumon

« Cache-cache » pourrait être résumé comme une histoire de fantôme. Mais pas au sens traditionnel. Vous sembler renverser les codes pour faire de ce sujet qui pourrait être effrayant, une fantaisie douce.

Il y a une phrase qui nous a guidé, de Jim Harrison, de son premier roman qui n’est pas du tout connu, « les fantômes existent peut-être après tout. Mais ils ont sûrement ne forme humaine ». J’ai trouvé cette phrase très belle, très équivoque et j’ai essayé de l’explorer en quelque sorte. En tout cas elle résume assez bien ce que l’on voulait faire. A partir de là, il fallait définir, ou on mettait la fantaisie, ou on mettait le merveilleux car ces choses là mine de rien nécessitent aussi une sorte de règle. On n’avait pas de repère. On n’était pas dans le conte au sens de « La Belle et la Bête » avec des choses extraordinaires etc. Et l’idée était de faire un fantastique réaliste. On voulait faire du magique mais sans opération du Saint Esprit.

Cette famille citadine est assez atypique. Une grande naïveté se dégage de la relation entre chacun. C’est ce qui permet de croire à cette histoire ?

C’est l’idée que l’on voulait donner. Et que lui soit presque jaloux de cette famille. Mais on ne voulait pas tomber dans le piège, que Raymond soit agressif etc.

Pour la famille c’est pareil. Je m’irrite beaucoup des personnages de parisiens ou de citadins à la campagne : ils s’ennuient, ils trouvent ça sale etc. Il y a comme un mépris de la campagne, de la terre. Or cette famille, elle est tout de suite à l’aise dans cette maison. Et le fait qu’ils soient comme ça si léger, si frais légitime effectivement la présence fantomatique de Raymond.

Raymond est un personnage très particulier. Il ne parle pas et tout repose sur sa présence physique. On est presque dans le registre du burlesque. Comment avez-vous choisis Bernard Blancan ?

En fait, j’ai écris ce rôle pour lui. Il se trouve que l’on se connaît depuis très longtemps. Il est le premier acteur que j’ai connu. J’étais étudiant à Bordeaux et il était déjà un acteur assez connu à Bordeaux. Il m’impressionnait beaucoup. On était étudiant dans la même unité à la fac et moi j’essayais de faire des films. Un jour j’ai osé l’aborder pour lui demander si ça l’intéressait de jouer dans un film super 8. Et non seulement il a accepté mais en plus il a payé la moitié de la pellicule et il a même fait la lumière. Je le connais donc depuis longtemps et à tel point que c’est le seul acteur pour lequel j’écris expressément des rôles car je crois que je le connais depuis suffisamment longtemps pour qu’il soit passé dans mon inconscient. Les films que j’ai fait ont été très influencés par lui et ce que j’imagine de lui. Mais même bêtement il influence les cadres du film. Il y a quelque chose de géométrique en lui. Il trace des lignes dans le plan et il a une présence qui crée un climat, une atmosphère.

Comment qualifieriez vous ce personnage ?

Raymond est une sorte de fantôme ; fantôme social comme une sorte de SDF, un exclu. Le fantôme généralement est un exclu de la vie. Je crois que au fond Raymond, ne veut pas naître. Il ne veut pas partir de chez lui. Et pour moi cela signifie ne pas vouloir naître, ne pas vouloir voir le jour. Il est au fond de ce puit et c’est finalement comme s’il était dans le ventre de sa mère. Il voit un tout petit peu de jour, il entend des bruits bizarres, il ne sort que la nuit etc. Le seul évènement qui puisse arriver dans sa vie et qu’il parte, que quelque part il soit expulser, qu’il aille vers la lumière et affronte la réalité en face.

Vous aviez pensez à une autre fin ?

Ce n’est pas la fin que j’avais prévu au scénario. Je l’ai retourné deux mois plus tard. La fin prévue était qu’il rentre au fond du puit et, comme il pleuvait, l’eau le noyait peu à peu, des escargots lui montaient dessus. La pluie se transformait ensuite en feuille d’automne puis en flocon de neige et après la neige se transformait en pétales. Mais les effets spéciaux coûtaient assez chers et je n’avais pas vraiment réussi a filmer cette séquence. Dans mon idée, la mort de Raymond était une fin heureuse. Mais lorsque l’on a tourné cette scène, au fond du puit l’eau était froide, et Bernard a vraiment serré les dents pour pouvoir jouer. Au bout de cinq prises on a abandonné. Je ne fais pas ce métier pour faire souffrir les acteurs. Mon producteur m’a proposé de retourné la fin. C’est un privilège ! J’ai accepté mais je ne voulais pas échouer une seconde fois. On a donc changé la fin.

Propos recueillis à Nancy le 25 janvier 2006 par Benoît Thevenin.

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