Les Secrets de Raja Amari (2010)

Avec son précédent film, le magnifique Satin Rouge (2002), Raja Amari révélait une actrice extraordinaire qui a depuis largement confirmé, Hiam Abbass. La comédienne a depuis été vue dans L’Aube du monde d’Abbas Fahdel, dont l’héroïne est interprétée par Hafsia Herzi, en tête d’affiche de ces Secrets. Bon, on n’est pas là pour jouer au jeu des six degrés de séparation, juste peut-on noter que la réalisatrice choisit bien ses actrices puisque Hafsia Herzi n’est pas elle non plus la moins passionnantes des comédiennes actuelles. Elle rayonne encore ici.

Pourtant, le sujet est sombre. On pense dans un premier temps au Tour d’Ecrou d’Henry James, où à sa variation cinématographique par Alejandro Amenabar (Les Autres), mais débarrassé de toute tonalité fantastique. Raja Amari raconte le quotidien de trois femmes qui continuent de vivre cachées dans une maison abandonnée dans laquelle elles ont travaillé comme servantes, mais dans laquelle un jeune couple commence de s’installer.

Ce qui saute aux yeux, c’est le travail esthétique de la cinéaste. Le décor et les murs abimés et délavés présentent un cadre fascinant au moins pour le regard. Il traduit aussi une ambition métaphorique et peut-être même politique. Les Secrets raconte l’émancipation d’une jeune fille (Hafsia Herzi) jusqu’alors retenue prisonnière moralement et physiquement d’un système  et selon un principe comme traditionnel. Elle hérite comme sa soeur de la condition supportée toute sa vie par sa mère. Son éveil tardif passe par une phase de découverte et d’initiation du fait de son infiltration voyeuriste dans l’intimité des nouveaux occupants de la maison. Son parcours s’achèvera dans un accès de violence étonnant – comparable en un sens à un accouchement – mais nécessaire, qui peut laisser le spectateur comme en état de choc.

Le film a une dimension politique car on ne peut s’empêcher de penser aux destins de peuples soumis, opprimés qui finissent par entrer en résistance puis en révolte pour se libérer. A l’heure ou l’on célèbre le cinquantenaire des indépendances de nombreux pays africains colonisés jusqu’à la moitié du XXe siècle, et alors que le film affiche pavillon tunisien, c’est une lecture à prendre en compte.
Raja Amari signe en tout cas un film riche et atypique qui est une des heureuses surprises de cette première partie de l’année ciné.

Benoît Thevenin


Les Secrets – Note pour ce film :

Sortie française le 19 mai 2010

Lire aussi :

  1. I Wish – Nos voeux secrets (Kiseki) de Hirokazu Kore-Eda (2011)
  2. Where are you going ? (Took-byul-shi-sa-ram-dul) de Park Chur-woong (2010)
  3. Harragas de Merzak Allouache (2010)
  4. The Housemaid de Im Sang-soo (2010)
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Aucun commentaire sur “Les Secrets de Raja Amari (2010)”

  1. selenie dit :

    Un film ambitieux mais qui change de registre de façon maladroite. 3 femmes vivent recluses depuis des années dans une demeure. Ce qui n’empêche nullement un contact avec le vrai monde régulièrement (faire les courses) ; alors pourquoi la plus jeune est-elle joué de façon aussi niaise ?! Jouée par Hafzia Herzi cette jeune semble émerveillé et stupéfait par les bijoux, robes… etc… alors qu’elle en voit régulièrement en ville. Démontrer l’envie est râté, elle joue plus une sauvageonne qui aurait encore rien vu. L’autre problème reste la fin… Les conséquences arrivent trop vites avec une seule scène explicatives alors qu’il est évident que les secrets sont plus forts, plus violents que ce qui est laissé en pâture. Les secrets sont trop survolés pour que le spectateur puisse vraiment avoir de l’émotion. La mise en scène est ce qui sauve le film. De très beaux plans et de très belles scènes. Mais au final le film râte sa cible car il n’évoque jamais vraiment ce qu’on est venu découvrir, les secrets. 1 étoile pour moi.

  2. Un film ambitieux mais qui change de registre de façon maladroite. 3 femmes vivent recluses depuis des années dans une demeure. Ce qui n’empêche nullement un contact avec le vrai monde régulièrement (faire les courses) ; alors pourquoi la plus jeune est-elle joué de façon aussi niaise ?! Jouée par Hafzia Herzi cette jeune semble émerveillé et stupéfait par les bijoux, robes… etc… alors qu’elle en voit régulièrement en ville. Démontrer l’envie est râté, elle joue plus une sauvageonne qui aurait encore rien vu. L’autre problème reste la fin… Les conséquences arrivent trop vites avec une seule scène explicatives alors qu’il est évident que les secrets sont plus forts, plus violents que ce qui est laissé en pâture. Les secrets sont trop survolés pour que le spectateur puisse vraiment avoir de l’émotion. La mise en scène est ce qui sauve le film. De très beaux plans et de très belles scènes. Mais au final le film râte sa cible car il n’évoque jamais vraiment ce qu’on est venu découvrir, les secrets. 1 étoile pour moi.
    +1

  3. miriam dit :

    Beau travail sur la couleur, un décor somptueux. Le plus impressionnant c’est le déclenchement de la violence extrême. L’enfermement ne pouvant se résoudre que par l’extrême violence. Atwater Morrison, vous n’avez pas découvert les Secrets? Pensez à la scène où la jeune fille déterre le « bébé », n’avez vous pas saisi le secret?

  4. dasola dit :

    Bonjour, j’ai été aussi frappé par la violence de la fin mais somme toute logique. Le point faible serait cette jeune femme capturée et prisonnière: on ne sait pas ce que veut dire la réalisatrice. En revanche, j’ai apprécié la lumière et le decor (la belle maison un peu délabrée et beaucoup à l’abandon). Bonne journée.

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