The Wrestler de Darren Aronofsky (2008)

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Darren Aronofsky s’est très vite imposé comme un cinéaste important. Pi son premier film avait impressionné, notamment pour ses expérimentations formelles, et Requiem for a dream, sur un modèle très proche du précédent, est instantanément devenu un film culte. Aronofsky est ensuite passé à quelque chose de très différent, The Fountain, sorte de film-somme assez déroutant et d’une ambition rare. Darren Aronofsky va vite, très vite et déjà il touche à quelque chose proche de l’absolu cinématographique.

Il manquait alors peut-être au cinéaste d’à peine quarante ans, la reconnaissance artistique qui lui manquait, en tout cas plus tardive que son emprise immédiate sur le public. The Wrestler marque un tournant dans la carrière du réalisateur. Aronofsky poursuit lui son impressionnant parcours, le film ayant remporté rappelons-le le prestigieux Lion d’Or à Venise.

Après The Fountain, vers quoi Aronofsky pouvait-il se tourner ? Le cinéaste à choisi un retour à la simplicité, à un cinéma humble, terriblement humble même. Comme s’il acceptait de repartir de zéro. Oubliez tout ce que vous connaissez de la « patte » Aronofsky car le cinéaste à choisi de délaisser tout son bagage en chemin. La démarche prendra peut-être plus d’ampleur à la lumière des prochains films qu’il réalisera ? Aujourd’hui juste pouvons-nous constater à quel point ce long-métrage est différent de ce qu’il a pu faire auparavant. The Wrestler est d’abord un film purement émotionnel.

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D’un point de vue formel, le film rappelle le style des frères Dardenne : caméra à l’épaule, lumière naturelle, cadre misérabiliste etc. La ressemblance est presque à s’y méprendre. Les Dardenne accompagne leurs héroïnes dans leurs parcours de combattantes ; Aronofsky accompagne lui une autre sorte de battant. Mickey Rourke ne peut pas manquer d’émouvoir. Le film est subtil dans son portrait en même temps que la trajectoire empruntée par le personnage rappelle presque métaphoriquement le parcours même de l’acteur. Le catcheur qu’incarne Mickey Rourke ressemble par certains aspects au boxeur qu’est Rocky Balboa dans le dernier film de la saga. Les deux ont connu leurs heures de gloire, les deux sont abîmés par la vie, physiquement et moralement, continuent de vivre dans le passé et caressent l’espoir de recoller les morceaux d’une vie qu’ils ont sacrifié pour cette gloire éphémère.

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Dans les années 80, Randy « Le Bélier » était une vraie star du catch professionnel. 30 ans plus tard, il continue de combattre, tente de faire perdurer le mythe, mais vit une existence terne, seul dans sa caravane. Sa famille est ces autres catcheurs. Les combats sont truqués certes, mais malgré le vice de ce spectacle et tout ce qu’ils peuvent s’envoyer dans la tronche, malgré la souffrance qu’ils s’imposent les uns aux autres, un profond respect cimente les relations entre tous les catcheurs. Jeunes, anciens, ils sont solidaires. Randy continue de rameuter les fans grâce à son nom mais son corps marqué souligne son enfer. Randy vit de l’autre côté, dans le fantasme plus que dans la réalité des hommes. Il est le mec sur les posters de la chambre d’une jeune femme qui a l’âge de sa fille et qui l’amène dans son lit juste pour ce qu’il incarne. Il se lie d’affection avec une strip-teaseuse (Marisa Tomei, sublime) qu’il doit appeler par son nom de scène. Le personnage de Marisa Tomei lui explique aussi qu’il est comme le Christ, mais pas celui de la Bible, plutôt celui du film de Mel Gibson. Tout du moins, c’est bien ce qu’elle prend en référence et là encore Randy est lié à la fiction plutôt qu’a la réalité. Et puis, Randy est une star du catch, sport illusoire par excellence.

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Cette vie parallèle, c’est pourtant toute la vie de Randy et, il le dit lui même, il n’est finalement doué que pour ça. Tout bascule lorsqu’il est victime d’une crise cardiaque à la sortie d’un combat d’exhibition. Sa façon de vivre est soudainement remise en question, ses priorités vont être redéfinies. Pour s’en sortir, Randy accepte un job qu’il déteste, cherche à se rapprocher de sa fille de qui il est coupé. Un parcours classique mais très subtilement raconté par Aronofsky, sans pathos ou mièvrerie et toujours en respectant la dignité du personnage.

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The Wrestler est un film digne et intense. Intense à cause de ses combats montrés dans toute leurs brutalités et renforcés par la force du découpage et de la bande-son. Mais intense aussi pour le parcours émotionnel du personnage.

The Wrestler est bien parti dans la course aux Oscars. Mickey Rourke, a déjà remporté le Golden Globe du meilleur acteur et on ne le voit pas le rater cet Oscar. Le film est sublime, d’une émotion brute difficile à esquiver, et devrait séduire un public jusqu’alors peu réceptif, ou pas forcément réceptif, au cinéma de Darren Aronofsky. Le cinéaste est peut-être comme reparti de zéro avec ce film, et en même temps, il a déjà tout connu ou presque. The Wrestler est sans doute le film le plus consensuel du cinéaste mais il représente justement aussi toute son intelligence et son brio. Ils sont finalement rares les cinéastes à réussir à faire évoluer leur style tout en faisant coïncider les différents univers de leurs films. Ils sont rares les cinéastes à se renouveler à ce point sans diluer pour autant leurs forces. Car Requiem for a dream et The Fountain déjà arrivaient à nous toucher dans nos chaires et dans nos coeurs comme celà nous arrive finalement si peu. The Wrestler vous touchera sans doute, comme nous, à la fois dans vos chaires et dans vos coeur. On appelle aussi ça la générosité et Darren Aronofsky est un cinéaste intelligent et généreux.

Benoît Thevenin


The Wrestler – Note pour ce film :

Sortie française le 18 février 2009


Lire aussi :

  1. Black Swan de Darren Aronofsky (2011)
  2. Requiem for a dream de Darren Aronofsky (2001)
  3. Un Conte de Noël d’Arnaud Desplechin (2008)
  4. Tulpan de Sergey Dvortsevoy (2008)
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Aucun commentaire sur “The Wrestler de Darren Aronofsky (2008)”

  1. Vlad dit :

    Coucou,

    Bien que j’ai du mal avec l’homme public qu’est Rourke, j’ai vraiment hate de découvrir ce film qui à l’air plus qu’intéréssant. Je regrette de ne pas encore avoir vu pi en revanche, j’ai vu « requiem for a dream » et « the fountain » et j’ai adoré même si pour le dernier je dois avouer que c’est assez lent niveau rythme et que c’est pas le genre de film que je verrais en boucle, il faut le savourer avec parcimonie.

    Vlad

  2. nicolas sykas dit :

    « il touche à quelque chose proche de l’absolu cinématographique. »

    No comment !

  3. Vlad dit :

    J’ai adoré ce film. Un vrai bon moment de cinéma que je ne regrette pas d’avoir vu en avant première en présence de Darren Aronofsky et Mickey Rourke :) Le film frole la perfection et s’avère très émouvant et touchant. Le seul détail qui m’as surtout ennuyé, c’est la fin que je trouve un peu facile mais sinon plus j’y repense et plus j’aime ce film que j’espère revoir très prochainement.

    Vlad

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