Biutiful d’Alejandro González Iñárritu (2010)

Biutiful est le premier long-métrage qu’Iñárritu réalise d’après un scénario qui n’a pas été écrit par Guillermo Arriaga. Si l’on retrouve de nombreux thèmes de ses précédents films, un aspect multi-culturel, un goût pour le pathos et les tragédies sanitaires, Biutiful est quand même un film différent car ne répond pas à la logique kaléidoscopique de ses autres longs-métrages. On est soulagé, car ca commençait à devenir un peu trop systématique et de plus en plus tiré par les cheveux.

Cette fois, l’histoire se déroule à Barcelone autour d’un père divorcé et ses deux enfants. Uxbal (Javier Bardem) mène une vie marginale, chapeaute un peu les trafics des immigrés illégaux dans la ville. Uxbal est un personnage complexe, assez dur et pas forcément sympathique. S’il aime ses enfants, il fait preuve d’un manque de patience, y compris avec eux. Il faut dire que la vie est difficile, qu’il peine à joindre les bouts et qu’en plus le sort s’acharne sur lui.

Dès le début, parce qu’on fait quasiment connaissance avec Uxbal dans les couloirs d’un hôpital, on devine qu’il est atteint par un mal très grave. La révélation exacte de sa maladie interviendra plus tard, mais il n’y a guère de doute. Uxbal choisit de ne rien révéler et de continuer de vivre ce qui lui reste sans avertir personne. Son caractère s’assombrit davantage, son corps est de plus en plus marqué.

Incontestablement, Biutiful est un film misérabiliste, et il ne faut pas être allergique au genre. Iñárritu n’étant pas le cinéaste le plus subtil du monde, il y a des raisons de s’inquiéter. Néanmoins, le drame fonctionne, et si le film est lourd et plombant, on note quand même qu’Iñárritu a le souci de ne pas rajouter de l’affect à l’affect. Il faut dire que la barque est déjà largement chargée.

Biutiful ressemble à A la recherche du bonheur de Muccino, mais dans une version nettement moins angélisée et douce, que le mélo avec Will Smith. L’ambition de mise en scène d’Iñárritu est également très supérieure et  c’est ce qui fait plus que tout le reste l’intérêt et la qualité de ce film. Iñárritu démontre à presque chaque plan son talent de metteur en scène.

Sombre et désespéré, Biutiful flirte parfois avec la complaisance par rapport à son personnage. Le film est autant haïssable que admirable, et presque pour la même raison, pour l’émotion qu’il tente de déployer. Biutiful est un tire-larmes, un vrai, et c’est ce qui peut agacer. Les vingt dernières minutes, à partir de la confrontation entre le père et la fille, sont même particulièrement lourdes, surtout que le cinéaste ne peut s’empêcher l’artifice des poitrines collées et qui battent violemment l’une contre l’autre pour faire pleurer dans les chaumières. Iñárritu, cinéaste racoleur ? On l’avait déjà noté bien avant, au moins dès 21 grammes. La pilule passe encore, mais peut-être de moins en moins. Iñárritu se veut sans doute un grand cinéaste humaniste. Son cinéma est juste d’un humanisme consensuel, ce qui fait que son film plaira encore, sans doute. De là à primer Biutiful à Cannes ? Il ne faudrait pas abuser. Cela dit, Javier Bardem, formidable encore, de tous les plans et qui soutient donc le film de A à Z, est forcément un candidat crédible pour le prix d’interprétation.

Benoît Thevenin


Biutiful – Note pour ce film :

Sortie française le 20 octobre 2010

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